Eglises d'Asie

Des spécialistes catholiques de l’audiovisuel et de la communication se sont rencontrés pour partager leurs expériences dans le domaine de la distribution de leurs productions

Publié le 18/03/2010




A l’invitation de SIGNIS, “Association catholique mondiale pour la communication” (1), une centaine de spécialistes de la communication venus de seize pays d’Asie ont pris part à deux journées d’échanges et d’information. La rencontre a eu lieu les 22 et 23 septembre dernier, à Hyderabad, en Inde. Les échanges ont principalement tourné autour de ce qu’un intervenant a défini comme “le marketing social à savoir l’emploi de techniques issues du marketing commercial pour promouvoir des productions conçues pour transmettre des valeurs chargées de sens. Selon ces spécialistes, il est important de développer un savoir en ce domaine car le principal handicap que connaissent les centres médias des institutions catholiques est une certaine incapacité à assurer un succès commercial ou d’audience à leurs productions.

Le jésuite Jerry Martinson, qui dirige à Taiwan le Kuangchi Program Services – le tout premier studio de télévision de Taiwan, fondé en 1958 -, a expliqué comment son service produisait des programmes à succès. Le prêtre, dont le visage est connu de presque tous les Taïwanais tant les émissions produites par lui et dans lesquelles il apparaît sont célèbres (cours de langue anglaise, notamment), a cité comme exemple les émissions comiques d’animation intitulées “Le gendre stupide”. C’est là une série d’une demi-heure quotidienne qui a été diffusée durant 350 jours et qui, enregistrée non en mandarin mais en taïwanais et reprenant des stéréotypes culturels bien connus, a eu un gros succès d’audience. En dépit d’un traitement comique, la série était fondée sur les relations au sein du cercle familial, avec en filigrane l’esprit des Béatitudes : “Bienheureux les pauvres de coeur !” Pour le P. Martinson, il y a là un exemple à suivre, car les revenus et la notoriété générés par ce programme ont permis d’investir dans la production d’autres émissions à l’audience beaucoup plus incertaine, mais jugées nécessaires du point de vue des producteurs catholiques des studios Kuangchi.

Retenu en Indonésie faute d’avoir obtenu à temps son visa, le P. Joseph I. Iswarahadi, qui dirige Sav Puskat, un studio audiovisuel à Yogyakarta, a fait lire son intervention, dans laquelle il expliquait qu’il était possible de produire des documentaires et de rencontrer un certain succès commercial. Son documentaire “Love of the Mother of Menoreh Hills” a été diffusé via les paroisses, les centres de retraite, les librairies et les écoles catholiques. Réalisé en indonésien, traduit en anglais et en italien, le film a pour sujet un sanctuaire marial de l’archidiocèse de Semarang étroitement lié à l’histoire de la foi catholique à Java. Il a été vendu à 17 000 exemplaires et a rapporté un bénéfice de 21 000 euros (27 000 dollars). Un profit suffisamment important pour que les employés du studio réalisent qu’ils pouvaient travailler autrement qu’à perte.

Catherine Wong, de son côté, a parlé de son expérience dans le cadre du Centre audiovisuel du diocèse de Hongkong. Elle a expliqué que le Centre recourait largement à Internet, un média qui a changé de façon significative la production audiovisuelle. Via Internet, l’Eglise catholique peut posséder et diffuser à moindre coût ses publications et ses émissions radio et TV. De plus, Internet transcende les frontières géographiques, rendant ainsi possible la diffusion des messages à l’échelle mondiale, a-t-elle ajouté (2).

Enfin, le P. Dominique Emmanuel, prêtre indien, a fait part de son expérience. L’an dernier, il a réalisé une fiction, un long métrage ayant pour toile de fond le thème du sida et de ses conséquences sur la vie des familles (3). Il a expliqué que bien que son film n’ait pas été un succès commercial, il avait néanmoins touché des milliers de personnes. Il a aussi ajouté que la carrière commerciale d’un produit audiovisuel peut être longue et que l’impact de son film devait être jugé dans plusieurs années, après une diffusion par d’autres moyens que les salles obscures (DVD et Internet, par exemple).

Venu également de l’Inde, un salésien, le P. Agilan, a fait valoir que les maisons de production catholiques ne devaient pas avoir peur de produire des émissions purement religieuses. Il a ainsi cité l’exemple d’une “cassette audio exclusivement religieuse” portant des cantiques en tamoul, qui a rencontré un fort succès. En un mois, plus de 100 000 copies ont été vendues et l’initiative a permis de faire entendre la voix des humbles du Tamil Nadu, a expliqué le prêtre.

Pour le jésuite indien Rappai Poothakaran, directeur du Gurjarvani, un centre médias à Ahmedabad, dans l’ouest de l’Inde, toutes ces initiatives et ces succès ne doivent pas cacher le fait que l’Eglise ne sait toujours pas comment véritablement utiliser la télévision. Selon lui, les écoles catholiques, les hôpitaux et les centres d’action sociale n’utilisent pas la vidéo de manière efficace pour transmettre les valeurs de l’Evangile et ne savent pas éduquer à la lecture des images audiovisuelles pour permettre aux gens de décrypter les images qu’ils reçoivent (4).