Eglises d'Asie

Les évêques indiens organisent une journée de prière et de jeûne avant les élections nationales

Publié le 21/03/2024




Ce vendredi 22 mars, la Conférence épiscopale indienne (CBCI) organise une journée de prière et de jeûne à quelques semaines des élections générales. Celles-ci dureront du 19 avril au 1er juin en sept étapes. Narendra Modi et son parti pro-hindou du BJP sont favoris, mais espèrent renforcer leur majorité au Parlement. Le mois dernier, la CBCI a noté quelques problèmes majeurs dans le pays comme « une polarisation religieuse sans précédent », mais sans citer d’individu ou de parti en particulier comme étant responsable de la situation.

Le Premier ministre Narendra Modi lors d’une visite dans la cathédrale de New Delhi, le 9 avril 2023 lors du dimanche de Pâques.

La Conférence épiscopale indienne (CBCI) a annoncé un jour de prière et de jeûne ce vendredi 22 mars, qui doit être observé dans toutes les communautés catholiques du pays en amont des prochaines élections générales et compte tenu de tensions croissantes contre les chrétiens en Inde.

Dans une lettre signée par Mgr Anil Couto, archevêque de Delhi et secrétaire général de la CBCI, l’Église locale appelle les fidèles indiens à « s’unir dans la prière pour une période continue de 12 heures afin d’intercéder pour notre nation, en particulier avant les élections générales à venir cette année ». Par ces prières, poursuit l’évêque, « nous voulons rapprocher nos cœurs de la volonté de Dieu et offrir nos supplications pour la purification de l’Église et pour le bien de notre nation ».

Dans sa lettre, Mgr Couto demande aux catholiques de marquer cette journée spéciale par différents temps liturgiques et spirituels, dont la messe, l’adoration du Saint Sacrement et le chapelet. « Que ce jour représente un moment de profonde réflexion spirituelle, de pénitence et de renouveau pour toute l’Église indienne. Nous offrons nos sacrifices et nos prières avec un cœur ouvert à la volonté de Dieu, confiant envers sa miséricorde et sa Providence. »

« Des incitations à la haine qui érodent la philosophie pluraliste de notre pays »

Cette journée nationale de prière et de jeûne est une initiative qui a été décidée par la CBCI durant sa dernière assemblée plénière de février. Un communiqué publié à l’issue de la rencontre, organisée à Bangalore, signalait « une polarisation religieuse sans précédent qui ruine l’harmonie sociale que nous chérissons dans notre pays et qui met en danger la démocratie elle-même ». « Il y a des craintes vis-à-vis des attitudes alimentant les divisions, des incitations à la haine et des mouvements fondamentalistes qui érodent la philosophie pluraliste qui a toujours caractérisé notre pays et sa Constitution », ajoutaient les évêques le mois dernier.

Les élections générales indiennes auront lieu en sept étapes selon les différentes régions du pays, à partir du 19 avril jusqu’au 1er juin, afin d’élire les 543 membres du Lok Sabha (Chambre Basse du Parlement). Simultanément, les élections des assemblées législatives régionales auront lieu dans les États de l’Andhra Pradesh, de l’Arunachal Pradesh, de l’Odisha et du Sikkim. Presque 1 milliard d’électeurs sont susceptibles de déposer leur vote. Les résultats seront annoncés à partir du 4 juin. Selon le dernier recensement national (2021), on compte 79,8 % d’hindous en Inde, pour 14,2 % de musulmans et 2,3 % de chrétiens.

Le 14 mars dans l’État d’Assam, dans le nord-est de l’Inde, des chrétiens ont organisé un temps de prière pour la paix face aux hostilités envers eux dans la région.

Une forme modérée de protestation et d’action sociale

Pour Mgr Thomas J. Netto, archevêque de Trivandrum dans l’État du Kerala (dans le sud du pays), la journée de jeûne et de prière du 22 mars représente « une forme modérée de protestation et d’action sociale contre la tendance croissante d’extrémisme religieux et de préjugés contre les minorités ». Dans son message publié le 17 mars, il souhaite que les catholiques sensibilisent leur entourage sur les persécutions contre les chrétiens et sur l’intolérance religieuse dans le pays, en particulier depuis l’arrivée au pouvoir du parti pro-hindou BJIP (Bharatiya Janata Party) du Premier ministre Narendra Modi en 2014.

Ce dernier espère décrocher un troisième mandat. Onze États indiens, la plupart dirigés par le BJP, ont déjà voté des lois anti-conversion, souvent utilisées contre les prêtres et les pasteurs chrétiens. Par ailleurs, les violences interethniques au Manipur, qui ont éclaté début mai 2023 dans le nord-est de l’Inde et qui se poursuivent toujours, ont causé la mort de plus de 175 personnes dont au moins 148 chrétiens. Des foules violentes ont attaqué presque 400 églises et détruit près de 5 000 habitations chrétiennes dans la région. À l’échelle nationale, les affaires de persécutions antichrétiennes sont passées de 147 enregistrées en 2014 à 687 en 2023, selon Mgr Netto.

 

Nationalisme, hindouisme et prospérité économique

Malgré l’initiative de l’Église locale, les évêques catholiques indiens se sont montrés indécis à l’approche des élections, peut-être de peur d’aggraver une situation déjà dangereuse pour la communauté chrétienne. En particulier alors que Modi, âgé de 73 ans, est considéré comme favori, fort de résultats (alliant nationalisme, hindouisme et prospérité économique) qui pourraient assurer la victoire de son parti.

Son parti a adopté officiellement l’hindutva, le nationalisme culturel hindou, en 1989, et il s’est efforcé de suivre cet objectif sans relâche depuis, avec un succès électoral sans précédent. Au cours des dix dernières années, le parti de Modi et ses soutiens ont déjà fait de l’Inde une nation hindoue, en ignorant les intérêts des minorités chrétiennes et musulmanes. Par ailleurs, alors que ces deux religions sont considérées comme étrangères, les autres religions présentes dans le pays comme le bouddhisme, le jaïnisme et le sikhisme sont considérées comme des ramifications de l’hindouisme.

Modi est sûr de la victoire du BJP, mais il espère obtenir plus de 400 sièges, contre 303 actuellement au Parlement. Une telle majorité conforterait sa position afin d’appliquer son programme conformément à l’idéologie de son parti, voire en rapprochant l’Inde d’une véritable théocratie présidentielle.

Face à cela, la communauté chrétienne se montre particulièrement prudente dans ses prises de position et ses déclarations. Ainsi, dans leur message publié en février, les évêques ont dénoncé des problèmes vitaux pour le pays, mais sans citer d’individus en particulier, ni de partis ou de membres du gouvernement comme étant responsables de la situation. D’autant plus que tous les évêques ne sont pas d’accord entre eux et que certains soutiennent ouvertement le BJP, en particulier dans le Sud, contrairement au Nord où ont lieu la majorité des violences antichrétiennes.

(Avec Ucanews et Asianews)


CRÉDITS

Ucanews