Eglises d'Asie

Culture en péril

Publié le 18/03/2010




En Europe, les Dayaks (10) sont connus comme les “coupeurs de têtes” de l’île de Bornéo, partagée entre l’Indonésie,la Malaisie et Brunei. En superficie – presque une fois et demi la France -c’est la troisième île du monde. Sa partie indonésienne, le Kalimantan, au sud, en couvre à peu près les trois quarts, et compte quelque 6 millions d’habitants. Semi-nomades, les Dayaks sont une des populations d’origine, forte de quelque 3 millions de personnes. Depuis longtemps, ils ont renoncé à leurs rites sanglants – ils sont catholiques à plus de 50% -, mais actuellement, c’est toute leur civilisation et leur culture qui sont peut-être à la veille de disparaître.

Presse et télévision ont fait irruption dans les villages, et il n’est pas rare de découvrir, en pleine forêt, des paillottes surmontées d’une antenne de télévision: il suffit d’un générateur à pétrole pour fournir l’électricité permettant de recevoir les images. Mais surtout, l’arrivée massive de populations différentes d’eux a provoqué chez les Dayaks d’importants changements de coutumes et d’habitudes: en quelques années, la recherche de gisements minéraux, l’exploitation forestière, le développement du commerce ont fait débarquer au Kalimantan des milliers de compatriotes venus d’autres régions du pays, et appartenant à des groupes humains les plus divers, principalement malais et chinois. Ce sont ceux-là, les “immigrés”, qui sont les principaux bénéficiaires de l’extension de l’économie locale, soit parce que, comme les Javanais, ils ont reçu une meilleure préparation technique, soit parce que, comme les Chinois, ils ont un don naturel pour le commerce et l’administration.

Le peuple dayak assiste passivement à cette évolution quelque peu chaotique, dont il attend des profits faciles, sans se préoccuper du prix à payer en valeurs humaines et culturelles. Depuis un certain temps, l’Eglise catholique cherche au contraire à préserver et à défendre cette civilisation menacée de l’intérieur comme de l’extérieur. Déjà, en 1983, les diocèses avaient mis sur pied des comités d’étude chargés de proposer les orientations à prendre et les moyens à employer pour enrayer le mouvement de désagrégation. Puis, en 1987, s’est tenu à Pontianak, chef lieu de province et siège de l’archevêché, un congrès au cours duquel furent échangées idées, expériences et prévisions, et où les délégués dayaks eux-mêmes en vinrent à constater que, sauf sursaut de la part de leur peuple, celui-ci était engagé sur une voie de garage, et ne serait bientôt plus, sur son propre terrain, que le témoin inerte d’un grandiose projet que d’autres ont conçu et dirigent.

Aujourd’hui encore, les Dayaks règnent en maîtres sur de vastes étendues, le plus souvent couvertes de forêts encore vierges: les terres les plus riches et les plus productives sont en d’autres mains. Certes, ils ont leurs représentants auprès des autorités administratives régionales, mais leur parole n’a que peu de poids lorsqu’il s’agit d’établir des programmes et de prendre des décisions . Si bien qu’il apparaît clairement à tout observateur impartial que la survie de la culture des Dayaks et le souci d’une transformation harmonieuse de leur environnement sont portés essentiellement par l’Eglise et ses animateurs.