Cette libération de l’ancien permanent de la commission « Justice et paix » marque sans doute une étape dans l’évolution du contentieux existant entre le gouvernement et l’Eglise catholique depuis 1987. A cette époque, 22 personnes, militant dans des organisations d’Eglise ou proches d’elles, avaient été arrêtées, détenues sans jugement, et accusées de fomenter « un complot » visant à renverser le gouvernement et instaurer un régime de type marxiste. L’opération « Spectrum », du nom de code qui avait été donné par la police politique à cette intervention répressive, visait en fait certains mouvements de l’Eglise catholique beaucoup plus qu’une prétendue subversion marxiste. Ceux-ci étaient, selon les autorités, jugés trop enclins à s’occuper de problèmes sociaux, et par voie de conséquence, nourrissaient l’opposition populaire à certaines orientations socio-politiques du gouvernement.
Vincent Cheng, présenté par la propagande gouvernementale comme l’un des cerveaux du prétendu complot, était le dernier à être encore détenu. Cette libération, si elle marque une étape, ne signifie cependant pas que les relations entre l’Eglise catholique et le pouvoir soient redevenues normales. Un projet de loi destiné à maintenir l’harmonie religieuse, mais surtout à « séparer politique et religion » est, en effet, en gestation. Le texte de ce projet, rendu public au début de l’année 1990, a suscité de sérieuses réserves de la part de la hiérarchie catholique (15). Il fait preuve d’un interventionnisme sans précédent de l’Etat dans les affaires internes de l’Eglise, et donne au ministre de l’Intérieur un pouvoir arbitraire hors de proportion avec les exigences de la sécurité publique: selon certains observateurs, quand la loi deviendra effective, celui-ci pourra pratiquement déterminer la ligne théologique des mouvements d’Eglise.