Eglises d'Asie

Rapatriement forcé des boat-people: un sursis ?

Publié le 18/03/2010




Selon les déclarations du secrétaire d’Etat à la sécurité de Hongkong, Mr Alistair Asprey, le Vietnam vient d’accepter le rapatriement non volontaire d’un groupe d’environ 200 boat-people, actuellement pensionnaires du camp de détention de Nei Kwu Chau à Hei Ling Chau. La plupart des 733 boat-people placés dans ce camp sont arrivés cette année et 385 d’entre eux ont été classés dans la catégorie des “migrants illégaux”, à l’issue d’une interview qui n’a pas duré plus de 45 minutes, comme l’a fait remarquer le porte parole de l’association oecuménique “Refugee Concern Hongkong”.

Une certaine ambiguïté règne sur la nature de ce rapatriement. Les autorités de Hongkong suggèrent qu’il s’agit là d’un groupe de vietnamiens, certes, non volontaires pour le retour au pays mais qui ne résistent pas à leur rapatriement. Les intéressés, eux, affirment qu’aucune annonce ne leur a été faite et qu’ils n’ont eu connaissance du projet des autorités à leur égard que par des lettres reçues de leurs familles au Vietnam. Ces dernières les informaient que des cadres de la Sûreté vietnamienne étaient venus les avertir du prochain retour de leurs proches parents, en précisant qu’il s’agissait d’un retour volontaire.

Dans sa déclaration datée du 6 juillet 1990, le secrétaire d’Etat a fait remarquer que les modalités et la date du retour de ce groupe de boat-people n’étaient pas encore fixées définitivement. Il a ajouté que le Gouvernement de Hongkong désirait un consensus international sur le rapatriement et qu’il s’efforcerait d’obtenir un accord multilatéral à la prochaine réunion internationale sur les réfugiés qui se tiendra à Genève: “Nous voulons mettre en oeuvre un programme de rapatriement pour tous ceux qui sont classés non réfugiés à l’issue du “screening” (tri), un programme qui soit, autant que possible, l’objet d’un consensus international”.

La plupart des pays de premier accueil sont déjà acquis aux projets de rapatriement obligatoire de la Grande Bretagne et de Hongkong. Le ministre des affaires étrangères de Malaisie déclarait récemment que 70% des vietnamiens qui ont réclamé l’asile temporaire dans son pays depuis le mois de mars 1989 étaient des migrants économiques. Depuis cette date, près de 8 700 embarcations vietnamiennes ont été refoulées hors des eaux malaisiennes et ont, pour la plupart, cherché refuge en Indonésie, sur l’île de Galang, déjà surpeuplée. L’Australie, pays traditionnellement plus hospitalier aux réfugiés, vient, elle aussi, de décider de restreindre son accueil. C’est le plus éloigné des pays accessibles à leurs frêles embarcations, et depuis le début de l’année, 4.000 vietnamiens, souvent refoulés par d’autres pays, y sont venus demander un asile temporaire.

Ces pays de premier accueil menacent de mettre en cause tout le système d’asile temporaire et d’accueil définitif, mis en place après 1975, si le Vietnam et, surtout, les Etats Unis qui, jusqu’ici, se sont opposés à toute forme de retour non volontaire, ne souscrivaient pas à leurs revendications durant la prochaine conférence de Genève. Celle-ci aurait dû avoir lieu les 16 et 17 juillet 1990. Le différend actuel est tel que le Haut-Commissariat aux réfugiés, sur proposition du Vietnam et de la Malaisie, vient de décider, mercredi, 11 juillet 1990, de reporter la Conférence à une date ultérieure, non encore précisée.

Les observateurs avaient, pourtant, récemment, noté un certain assouplissement de la position américaine. Stephen Solarz, membre du Congrès, président de la puissante sous-commission pour les affaires de l’Asie et du Pacifique, lors d’un séjour à Hongkong, le 7 juillet 1990, a laissé entendre que la sous-commission, dans son avis au Congrès, accepterait le rapatriement obligatoire si certaines conditions étaient remplies: – La procédure du screening devra assurer la reconnaissance des réfugiés politiques authentiques – Les boat-people rapatriés devront être suivis de très près après leur retour au Vietnam – Tous les volontaires pour le retour au Vietnam devront avoir quitté les camps avant que le rapatriement obligatoire n’entre en vigueur – La politique de premier asile devra être préservée.

Le congressiste américain n’avait cependant pas ménagé ses critiques à la procédure du “screening” telle qu’elle est mise en oeuvre, aujourd’hui, à Hongkong. Il a fait remarquer que certains vietnamiens qui ont été emprisonnés dans les camps de rééducation, torturés ou privés de liberté religieuse ont été classés parmi les migrants économiques et soumis au rapatriement forcé.

La récente décision de reporter la conférence de Genève témoigne que les avis de la sous-commission pour l’Asie et le Pacifique n’ont pas entamé l’opposition américaine au rapatriement forcé, pas plus d’ailleurs que la visite du haut-commissaire aux réfugiés, Thorvald Stoltenberg, au président Georges Bush. On peut penser aussi que le durcissement politique actuel du régime de Hanoï ne contribue en rien à rassurer ceux qui s’inquiètent du sort réservé aux rapatriés dans leur pays.

On ne peut encore savoir si le report de la conférence de Genève aura quelque effet sur le projet de rapatriement obligatoire de Hongkong. Mais il est à craindre que la communauté internationale ne s’éloigne de plus en plus de la solution généreuse que souhaitent, pour les réfugiés, de très nombreuses associations privées.

La situation générale ne s’est pourtant pas aggravée, au contraire, depuis l’année dernière. La population des camps de premier asile en Asie du sud-est s’est maintenue autour de 125 000. A Hongkong, les arrivées ont considérablement diminué. Pour la première moitié de cette année, on en dénombrait seulement 3 356 contre 23 101, l’an dernier, pour la même période. De janvier à juin 1989, 4 386 vietnamiens avaient abordé sur les côtes des Philippines; depuis le début de cette année, 486 boat-people seulement ont demandé l’asile à ce pays.