Eglises d'Asie

Vigilance accrue vis-à-vis de l’Eglise

Publié le 18/03/2010




A la fin du mois de mars 1990, à la suite du 8ème plenum, les dirigeants vietnamiens décidaient de redoubler de vigilance vis-à-vis de toute opposition politique (11) . Au cours du mois de mai, on commençait à constater, ici et là, les effets de cette nouvelle politique, tandis que le discours officiel dénonçait l’existence d’un complot international visant à déstabiliser le socialisme vietnamien… L’Eglise catholique subit, semble-t-il, à l’heure actuelle, le contrecoup de la méfiance officielle à l’encontre de toute opposition éventuelle.

On avait pourtant enregistré au cours des premiers mois de l’année, une certaine détente. Quelques diocèses, certains pour la première fois depuis 1975, avaient ordonné de nouveaux prêtres. Aux ordinations de Ban Mê Thuot, de Hô Chi Minh-Ville (12) et de Nha Trang (11), déjà signalées par “Eglises d’Asie”, il faut ajouter deux nouveaux prêtres ordonnés par Mgr Pham Van Thiên, dans le diocèse de Phu Cuong (13), le 20 avril, 3 prêtres ordonnés par Mgr Huynh Van Nghi , pour le diocèse de Phan Thiêt, à la fin du mois de mai, 4 prêtres ordonnés, à la même date, dans le diocèse de Long Xuyên, par Mgr Bui Tuân (14). D’autres signes laissaient présager une certaine sérénité retrouvée à l’intérieur de l’Eglise. Le très officiel organe du Comité des catholiques patriotes “Công Giao và Dân Tôc” laissait passer des articles ou lettres de lecteurs réclamant du gouvernement l’égalité des droits civiques pour les catholiques et une application plus effective de l’article de la Constitution proclamant la liberté de croyance. Dans ce même journal, deux leaders du Comité d’union exprimaient ouvertement leur insatisfaction: le père Huynh Công Minh à propos des limitations imposées à la formation des prêtres par le gouvernement (15) et le Père Phan Khac Tu qui, dans une rétrospective des 15 dernières années de l’histoire de l’Eglise au Vietnam, formulait certaines critiques de la politique officielle en vigueur depuis 1975 (13). Par ailleurs, les autorités semblaient décidées à permettre les déplacements des évêques à l’étranger, puisque, le 4 mai, elles avaient autorisé le voyage à Rome des évêques vietnamiens , à l’exception de 2 “persona non grata” , et la participation d’une délégation de l’épiscopat à la conférence de la FABC de Bandung (15).

Les choses ont commencé à changer vers la mi-mai. Le 15 mai, dans une interview accordée à une agence de presse cubaine (16), Nguyên Van Linh soulignait que les religions n’échapperaient pas à la surveillance gouvernementale: “Face à cette situation (la crise des partis communistes européens), les forces qui s’opposent au socialisme vietnamien s’imaginent que c’est une occasion propice pour eux. Ils se servent de nos déficiences et de nos difficultés, ils avancent comme prétextes, l’ouverture démocratique, le pluralisme politique, le pluripartisme, et, sous couvert de religion ou d’action humanitaire, ils cherchent à pousser les jeunes gens, les étudiants, les artistes, contre la direction du Parti et le socialisme. Ils ont le soutien et l’aide directe des forces réactionnaires à l’étranger (…) Nous engagerons une lutte sans merci contre ces forces.”

Le lendemain de cette déclaration, le P. Chan Tin et Mr Ngoc Lan étaient mis en résidence surveillée (17). Depuis lors, quelques autres indices semblent indiquer que le durcissement se poursuit. Le voyage à Rome des 10 évêques vietnamiens qui devait avoir lieu le 17 juillet a été renvoyé sine die. Il n’y a pas eu de délégation de l’épiscopat vietnamien à la Conférence de la FABC à Bandung. Un prêtre vietnamien, en possession d’un passeport italien et d’un visa de tourisme délivré par l’ambassade du Vietnam à Rome, a été refoulé sur Bangkok à sa descente d’avion à Hanoi. Il semble aussi que le gouvernement vietnamien n’aurait pas encore entériné la récente nomination de Mgr Nguyen Van Sang, auxiliaire de Hanoï, à la charge d’administrateur apostolique de Thai Binh, et celle de Mgr Pham Dinh Tung, évêque de Bac Ninh, désigné comme administrateur apostolique de l’archidiocèse de Hanoï. On signale par ailleurs que certains laïcs, membres du groupe du P. Chan Tin, auraient été arrêtés ou mis en résidence surveillée.