En ce qui concerne la « santé », par exemple, les services indonésiens signalaient en fin d’année 1988 que la malaria était pratiquement éliminée du territoire. En août 1989, M. Carrascalao devait pourtant reconnaître que ce fléau « était encore importanttandis que « 70% de la population est atteinte de tuberculoseet que le corps médical fait terriblement défaut dans les deux tiers des divisions administratives.
Dans le domaine de l' »enseignement » – une des priorités du régime en vue de l' »indonésianisation » de la jeunesse – le gouverneur estimait, en 1987, que l’analphabétisme n’était plus le fait que de 54% de Timorais. Mais, devant une délégation de députés indonésiens, en août 1989, il signalait que le pourcentage d’illettrés était encore d’environ 92% !
Au point de vue agricole, les résultats de 1985 qui, selon M. Carrascalao, n’étaient pas encore satisfaisants – 58 000 tonnes de maïs et 38 000 de riz – laissaient espérer, grâce au « plan 84-89 », une amélioration conduisant à l’autosuffisance alimentaire. A l’Onu, dans un discours sur le développement de Timor Oriental, l’ambassadeur indonésien laissait entendre, en 1986, que le territoire pourrait exporter des excédents à partir de 1990. Mais en 1988, le gouverneur estimait la production céréalière exactement à la même quantité que celle dont il avait fait état trois ans plus tôt. Sans doute, l’année dernière, le directeur des services agricoles prévoyait une récolte de quelque 20 000 tonnes supplémentaires, riz et maïs confondus; néanmoins, à la même époque, M. Carrascalao s’interrogeait sur ceux qui bénéficieraient de ce bond en avant, car, avouait-il aux parlementaires indonésiens « une grande partie de la population vit en-dessous de la ligne de pauvreté
A quoi donc correspondent des courbes à ce point changeantes sur le diagramme timorais ? Le gouverneur jonglerait-il avec les statistiques selon l’interlocuteur auquel il les présente ? Favorables pour le monde extérieur, afin de lui donner bonne impression des réalisations indonésiennes, et quelque peu alarmistes pour Jakarta, afin d’en obtenir davantage de fonds et de facilités ?
L’administration civile n’est pas seule à offrir le spectacle d’une apparente incohérence: l’administration ecclésiastique n’est en effet pas en reste. En juin 1989, Mgr Ximenes Belo tente d’obtenir d’un collègue portugais, l’évêque de Setubal, qu’il s’enquière du sort que réserve le secrétaire général des Nations Unies à la demande de référendum que lui-même lui a adressée quatre mois plus tôt (12). Un peu plus d’un an après avoir pris cette initiative, il paraît bénir l’oeuvre de développement à laquelle sont censés se consacrer les renforts militaires qui investissent son diocèse (13). Il est vrai que sa lettre de Noël, datée du 14 décembre 1989, peu après la visite papale, paraissait déjà fort en retrait par rapport à ses prises de position antérieures (14). D’aucuns prétendent que ce document – écrit en indonésien, et non en portugais comme l’évêque en a l’habitude -aurait été rédigé par un prêtre indonésien à la demande du nonce, Mgr Canalini, et signée à contrecoeur par l’administrateur apostolique…
La population constate, non sans déception, cette démarche hésitante de son guide spirituel qui, d’après certains membres du clergé local, se débat difficilement contre les pressions continues dont il serait l’objet dans son isolement. Beaucoup se demandent s’il se laisse manipuler. Ce qui est certain, c’est que huit missionnaires étrangers qui étaient attendus à Dili n’ont pas pu s’y rendre, l’autorité militaire du lieu se bornant à déclarer à des journalistes qui avaient eu vent de l’affaire qu’avec « des prêtres indonésiens, ce serait beaucoup plus facile