Au moins 30% des évêques et des prêtres des Philippines appartiennent à des mouvements spirituels venus de l’étranger, comme l’Opus Dei, les Focolari, Jesu Caritas. “Je n’ai rien contre la spiritualité européenne en tant que telle. Mais elle peut devenir une échappatoire pour certains prêtres philippins en difficulté”, dit le P. Reyes. Les membres de ces mouvements, parce qu’ils sont différents des autres, ont parfois tendance à former une élite à l’intérieur des diocèses. Ce qu’il faudrait, c’est une fraternité dans laquelle des prêtres se retrouveraient régulièrement pour prier ou s’adonner à d’autres activités communautaires, et où des liens profonds s’établiraient, permettant aux individus de partager au besoin leurs problèmes avec le groupe. A Manille, où le P. Reyes était directeur diocésain des vocations avant d’être promu à l’échelon national, les prêtres disent une moyenne de 5 messes et célèbrent une vingtaine de baptêmes chaque dimanche. Ils doivent aussi participer à des réunions, gérer leur paroisse, administrer les autres sacrements. A l’extérieur de Manille, les paroisses s’étendent souvent sur d’immenses territoires et les prêtres doivent parfois voyager des jours entiers pour visiter certains villages. “C’est le grand souci du clergé : comment un prêtre peut-il, sans se tuer, répondre aux besoins de ses paroissiens ?” A présent, on compte aux Philippines un prêtre pour 14 000 catholiques.
D’après le P. Reyes, les prêtres sont parfois si las qu’ils ont tendance à interpréter la fatigue due à leur ministère comme une perte de vocation. Il ajoute que beaucoup ont sombré parce que, au niveau diocésain, ils n’avaient pas trouvé de réponse adéquate à leurs problèmes.
Beaucoup d’évêques envoient à Manille ou aux Etats-Unis des prêtres surmenés qui ont passé la plus grande partie de leur vie en province. “Pour des prêtres philippins en difficulté, les Etats-Unis ne sont pas l’endroit idéal où aller se réfugier: leur sacerdoce est en danger de se détériorer. Peu sont préparés à recevoir un salaire, à posséder une voiture, à toucher des indemnités, etc.”
Le P. Reyes comprend fort bien les évêques qui choisissent des solutions faciles aux problèmes de leurs prêtres, car ils sont aussi surchargés. D’autre part, les religieux et les laïcs devraient aider les diocèses à adapter leurs structures et leurs moyens d’action, de façon à être davantage en mesure de s’adresser aux causes profondes des problèmes du clergé.
En attendant, une spiritualité proprement philippine pourrait aider les prêtres diocésains d’aujourd’hui dans leur lourde tâche. Il y a des raisons d’espérer: “Dans presque chaque diocèse, on trouve des jeunes prêtres qui croient en l’idéal de leur sacerdoce, en dépit des difficultés inhérentes aux structures