Eglises d'Asie

Une enquête révélatrice à Hô Chi Minh-Ville

Publié le 18/03/2010




Depuis le mois d’avril 1975, de nombreux reportages ont été consacrés à Hô Chi Minh-Ville, la ville du Vietnam la plus fréquentée. Presque tous ont mentionné la très nombreuse et très active communauté catholique de l’ancienne capitale du sud, avec ses églises – en particulier, sa cathédrale en briques rouges – remplies en semaine et débordantes les jours de fête. Peu de témoignages cependant sont allés au delà de ce phénomène, pour nous aider à percer le mystère de cette vitalité.

Un portrait moins conventionnel de la population catholique de cette ville vient de nous être fourni par une enquête sociologique menée par une équipe de catholiques au cours de ces derniers mois, et publiée par l’hebdomadaire “Công Giao va Dân Tôc” du 10 juin 1990. Elle confirme les observations les plus optimistes en matière de pratique religieuse, mais, et c’est là tout son intérêt, elle nous livre des informations extrêmement précieuses sur la composition sociologique et les motivations profondes de la population catholique adulte (plus de 18 ans). Deux sondages ont été réalisés : l’un a porté spécialement sur une des paroisses de la ville, “Sao Mai” (Etoile du matin), où les catholiques constituent 75% de la population ; l’autre avait pour objet un échantillonnage représentatif de catholiques pris dans l’ensemble des paroisses du diocèse de Hô Chi Minh-Ville.

Les résultats de l’enquête sur l’origine sociale et l’insertion professionnelle des catholiques révèlent que ces derniers appartiennent à ce que l’on pourrait appeler “l’élite sociale”. Cela est évident si l’on compare les chiffres relevés par ce sondage à ceux du recensement général effectué le 1er avril 1989, dont les résultats ont été publiés officiellement le 26 mars 1990 (15). C’est ainsi que 55,1% des personnes interrogées déclarent avoir achevé leurs études secondaires (plus de l0 fois la moyenne nationale); 10,7% d’entre elles ont obtenu un diplôme universitaire : proportion tout à fait considérable si on la compare à celle que donne le recensement général de 1989 pour tout le pays (2,2% de diplômes universitaires) et, surtout, si l’on connaît les difficultés rencontrées par un jeune catholique pour entrer à l’université. Il est vrai que le rapport d’enquête ajoute que 2/3 des diplômes universitaires obtenus par les catholiques l’ont été avant le changement de régime d’avril 1975.

Comme on s’y attendait, peu de catholiques sont employés de l’Etat (8,8% sont cadres ou fonctionnaires). Cependant, on note une exception très remarquable dans le domaine de l’éducation où les catholiques sont massivement présents : 13,2% sont enseignants (une profession peu rémunératrice et désertée par beaucoup). Une infime minorité, 1,4%, travaille dans le commerce (profession bien plus prisée). 48% des catholiques exercent des professions libérales ou sont engagés dans la petite industrie et l’artisanat.

Tous ces traits saillants relevés par l’enquête nous suggèrent un milieu catholique en position d’influence, guidé par des choix plus idéalistes que mercantiles et, par conséquent, capable de jouer un rôle déterminant dans l’évolution future du Vietnam.

Par ailleurs, le sondage confirme largement les observations déjà souvent faites en matière de pratique religieuse. 96,32% des catholiques saïgonais sont des pratiquants réguliers. Le taux de pratique décroît dans la tranche d’âge de 35 à 49 ans (91,11%), mais avoisine les 100% au delà de 50 ans. La dernière partie de l’enquête concernait les attitudes religieuses en regard de l’actuel régime socialiste. 46,3% des catholiques interrogés fréquentent davantage l’église qu’autrefois. 61,8% estiment avoir approfondi et fortifié leur foi depuis le changement de régime d’avril 1975. Les explications données par les intéressés pour justifier cette intensification de la pratique et de la foi sont éclairantes et donnent une idée de la position de la majorité des catholiques à l’égard du régime actuel. 50,7% pensent que le manque d’attrait offert par la vie sociale actuelle les a rapprochés de la religion. 19,8% estiment que les difficultés économiques de la vie quotidienne les ont poussés vers une piété et une pratique plus grandes. Les autres personnes interrogées n’avaient pas d’explications à donner.