Eglises d'Asie

Pour l’abolition des “privilèges”

Publié le 18/03/2010




Il s’agit des “privilèges” accordés par la Constitution aux classes désavantagées et qu’une récente décision gouvernementale a largement augmentés (2), suscitant une vague de récriminations dans les milieux qui ne sont pas susceptibles d’en profiter. Les manifestations contre ces mesures continuent un peu partout, et singulièrement au Bihar, où la vie sociale s’en trouve troublée, ainsi qu’à Delhi. Des hommes politiques de différents partis – et notamment de ceux qui soutiennent en principe le premier ministre – se sont élevés contre la mesure que celui-ci décrivait comme “une importante décision de justice sociale”, qu’eux-mêmes qualifient de funeste. D’aucuns assurent que la priorité pour l’emploi et les autres facilités accordées à certaines catégories de citoyens ne devraient prendre en compte que leur situation économique réelle, et non leur appartenance à telle ou telle caste défavorisée. Elles ne devraient plus être attribuées aux familles qui ont déjà vu leur situation s’améliorer, tandis que d’autres, d’origine moins humble, et qui vivent dans une vraie misère, devraient au contraire en recevoir le bénéfice. La difficulté d’une telle solution réside dans le fait que, si l’on peut aisément découvrir les “antécédents ethniques” des individus, établir avec certitude le niveau de leurs ressources nécessite des recherches beaucoup plus compliquées.

Des commentateurs se posent la question de savoir si, au lieu de diviser davantage la population entre gens de caste et hors-castes, il n’est pas plus urgent de renforcer l’unité du pays en effaçant les différences de traitement auxquelles on les soumet. Et l’on accuse le gouvernement d’user de démagogie pour s’attirer les voix des “castes et tribus répertoriées” lors d’élections futures, au risque de susciter des oppositions violentes, et des clivages d’ordre racial, régional et religieux.

La mauvaise humeur des “gens de bonne souche”, qui considèrent que, dans le système actuel, ils sont devenus à leur tour des parias, atteint aussi nombre de chrétiens qui n’ont pas d’ascendance “intouchable”. Certains se désolidarisent ouvertement de la longue lutte où les Eglises se sont engagées pour que leurs membres “dalits”, qui relèvent des “castes opprimées”, puissent jouir des mêmes facilités que celles octroyées à leur frères hindous, sikhs ou bouddhistes (3). “Il me semble que cela est en opposition avec l’esprit même du christianisme”, écrit un religieux, le P. Blaise Coelho, dans un hebdomadaire catholique, s’efforçant d’apporter, pour soutenir sa thèse, des arguments théologiques non dépourvus d’une certaine pertinence, mais qui apparaissent malgré tout comme étant une réponse à côté de la question. Est-il vraiment nécessaire, demande ce correspondant, de recourir à de telles méthodes de pression pour mettre en action le “choix privilégié pour les pauvres” auquel ont souscrit les congrégations religieuses et la Conférence épiscopale ? Un avis parmi d’autres, qui marque certes le manque d’unanimité de l’opinion chrétienne en une matière bien délicate…