Eglises d'Asie

Boat-people de Hongkong: accord sur un rapatriement volontaire de non-volontaires

Publié le 18/03/2010




Plus les méthodes sont brutales, plus les termes qui les désignent doivent être choisis. C’est ainsi que le rapatriement forcé de 51 boat-people, le 13 décembre 1989, avait été qualifié de “rapatriement non volontaireL’accord conclu, le 22 septembre 1990, à Hanoï, entre le Vietnam, la Grande-Bretagne, Hongkong et le Haut-commissariat aux Réfugiés, pour un programme de rapatriement au rythme de 1000 boat-people par mois, portera sur une nouvelle catégorie de réfugiés: “ceux qui, bien que non volontaires pour le rapatriement, ne s’y opposent pas” (26). Certaines déclarations parlent aussi de “non-volontaires consentants

Voila déjà quelque temps que s’élaborait ce concept hybride: lors de la 2ème conférence de Genève, en juin 1989, M. Nguyen Co Thach, ministre vietnamien des Affaires étrangères, parlait d’un moyen terme entre le rapatriement forcé et le rapatriement volontaire: le rapatriement avec indemnisation (27). Lors de l’opération du 13 décembre 1989, du côté vietnamien, il avait été question de vérifier le consentement des non-volontaires. Le 6 juillet 1990, le secrétaire à la Sécurité de Hongkong, M. Alistair Aspray, dans une déclaration à la presse à l’issue de pourparlers avec Hanoï (28), avait déjà utilisé l’appellation actuelle pour désigner les membres d’un groupe de boat-people destinés au rapatriement non volontaire …, à la grande surprise des intéressés à qui l’on avait oublié de demander leur avis sur la nature de leur “consentement”.

Selon les commentaires du directeur du Haut-commissariat aux Réfugiés pour l’Asie et l’Océanie, M.Jamshid Anvar, les réfugiés appartenant à cette nouvelle catégorie seraient dispensés de signer l’attestation de volontariat, obligatoire pour les rapatriés volontaires. Ils ne seraient pas, non plus, soumis aux interviews des fonctionnaires vietnamiens (29).

On n’a pas manqué de s’interroger sur le rôle que le Haut-commissariat aux Réfugiés allait jouer dans ce nouveau type de rapatriement. Les responsables ont assuré qu’ils n’accepteraient jamais d’être les artisans d’une quelconque contrainte et que jamais leur organisme ne serait impliqué dans un quelconque rapatriement forcé. La tâche du Haut-commissariat devrait consister dans l’identification des boat-people appartenant à cette catégorie des “non-volontaires consentants

Cependant, M. Jamshid Anvar, qui a pourtant accompagné à Hanoi M. Vieira de Mello, directeur des affaires extérieures du Haut-commissariat aux Réfugiés et signataire de l’accord en question, a exprimé un certain scepticisme sur l’existence même de ce nouveau type de réfugiés. “Certains pensent, a-t-il déclaré, qu’il s’agit seulement d’une catégorie imaginaire qui, en réalité, n’existe pas. D’autres croient que ce type de réfugié existe.” Il a ajouté que la pratique départagerait les deux opinions.

Quoi qu’il en soit, d’ores et déjà cet accord provoque des réactions qui vont de la perplexité à la franche hostilité. M. Martin Barrow, membre du conseil législatif de Hongkong, se demande s’il s’agit d’une forme déguisée de rapatriement volontaire ou d’un rapatriement forcé camouflé… Mme Suzy Comerford, porte-parole de l’association “Refugee Concern Hongkong”, y voit une nouvelle menace pour les demandeurs d’asile du territoire. Dans les camps, l’annonce de cette nouvelle a fait monter d’un cran une tension déjà élevée. Un groupe de réfugiés de la section 10 du camp de détention de Whitehead a entamé, le jour même, une grève de la faim. On s’attend à une protestation semblable dans le camp de Chimawan. Un peu partout surgissent des banderoles stigmatisant la compromission du Haut-commissariat aux Réfugiés avec le Vietnam.