Eglises d'Asie – Timor Oriental
Cinquantenaire du diocèse… 15 ans après l’invasion
Publié le 18/03/2010
Le gouverneur, M. Carrascalao, intervenant après la messe, nuançait le propos de l’évêque, en souhaitant que tous les participants soient rendus par l’Esprit-Saint « aptes à répondre aux défis qui se posent à la nation indonésienne en général, et à la société de Timor Oriental en particulier, pour le présent et l’avenir ».
C’est alors qu’un groupe, brandissant un drapeau du « Fretilin » – le « Front révolutionnaire pour l’indépendance de Timor » – s’avança en lançant des slogans repris par des sympathisants et des groupes d’étudiants. La foule entrava leur marche vers l’autel tandis que les membres de la sécurité se précipitaient pour les disperser. C’est pourtant l’intervention de Mgr Belo qui réussit à calmer les manifestants. Il leur fit valoir que l’occasion se prêtait mal à leur revendication.
L’incident, semblable à celui qui se produisit lors du passage de Jean-Paul II (17), semble indiquer que les rapports officiels sur la pacification de la région ne sont pas à prendre pour argent comptant. C’est ce que confirme d’ailleurs une étude publiée récemment sur le « Développement à Timor Oriental » par une équipe de chercheurs de l’université javanaise « Gajah Mada ». Elle note d’une part que « le progrès matériel n’a pas réussi à résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques », et d’autre part que, si « le gouvernement indonésien considère que l’intégration a résolu le problème de la décolonisation, les Timorais ne pensent pas la même chose ». Cette étude mentionne encore le « choc culturel » provoqué par les nouveautés qu’entraîne l' »indonésianisation » dans différents domaines tels que l’enseignement – langue, histoire, initiation au « Pancasila » -la cohésion sociale, avec l’arrivée de nombreuses familles venues d’ailleurs et qui entrent en concurrence avec les gens du pays pour l’obtention des meilleurs emplois (18). Est signalé également le malaise causé par une « overdose de présence militaire », conduisant les populations locales à l’apathie, au refus, voire à la haine.
L’Eglise n’est pas épargnée par ce « choc culturel », et se trouve devant un dilemme : ou bien défendre la position des autorités indonésiennes et s’aliéner le peuple, ou bien soutenir les aspirations populaires et s’affronter au pouvoir politique. On comprend mieux ainsi les contradictions apparentes dans lesquelles le chef du diocèse semble parfois s’enfermer.
Les observations auxquelles s’est livré le groupe des universitaires les ont amenés à énumérer des mesures qui pourraient « mettre fin à la situation de guerre » qu’ils ont pu constater. Ils proposent notamment une réduction des forces armées, la suppression des monopoles commerciaux, la réinstallation des déportés dans leurs villages d’origine, et l’attribution à l’Eglise d’un rôle de conseil auprès des instances publiques.
Cette étude devait servir de base à un colloque prévu à Dili pour le 19 avril dernier, mais Jakarta fit brusquement annuler la réunion, « pour des raisons techniques » selon le ministère de la Défense… Il est vrai que le général Benny Murdani, ministre de la Défense, avait déclaré au cours d’une visite-éclair à quelque 400 membres de la fonction publique et de l’armée à Dili, le 3 février 1990, à propos des opposants à l' »occupation indonésienne » : « Nous les écraserons tous ! Je répète : nous les écraserons tous ! »