Eglises d'Asie

Les enfants au travail

Publié le 18/03/2010




“Mon père est en prison. J’ai trois frères et soeurs. Nous allons tous aux champs avec notre mère. Je rêve d’aller à l’école, comme les enfants des propriétaires, même si je dois faire à pied les deux kilomètres qui m’en séparent”. Wilfredo Camoro, 11 ans, part au travail à 5 heures, chaque matin.

Rosie Baroquillo, 9 ans, allait à l’école. Mais son père vient de mourir et la mère se voit dans l’impossibilité de continuer à payer la scolarité de sa fille. Celle-ci va aux champs, arracher les mauvaises herbes. “C’est fatigant, dit-elle. Et j’ai faim. Parfois il fait trop chaud et parfois il pleut. Mais il faut que je travaille plus dur encore, car ce que je gagne ne suffit pas pour payer notre nourriture. J’aimerais avoir un peu de sauce pour manger avec le riz : seul, le riz est tellement sec et tellement difficile à avaler”.

Eduardo Sugdon, 11 ans, allait lui aussi à l’école. Mais son père est décédé lorsqu’il avait 8 ans: il a fallu se mettre au travail. Il gagne 1,40 F par jour. Un kilo de riz vaut 3,25 F.

Des organisations non gouvernementales de Negros viennent de lancer une campagne en faveur des enfants de l’île. Cette campagne, commencée en juillet, doit continuer jusqu’en décembre. Elle comporte des conférences de presse, des exposés, des ateliers de réflexion, diverses manifestations. On voudrait préserver les enfants du besoin, de la peur et de la violence, qui sont le lot quotidien de beaucoup. “Immergés dans cet univers de faim et de pauvreté, les enfants commencent à travailler aux champs dès le plus jeune âge, alors qu’ils peuvent à peine faire la différence entre les mauvaises herbes et les jeunes plants de canne à sucre”, disent les organisateurs de la campagne.

Dans cette île de Negros, 45% des travailleurs ont moins de 15 ans, alors que la loi interdit le travail des enfants. Mais leurs noms n’apparaissent pas sur les listes de salaires. La plupart reçoivent entre 1,50 F et 3 F pour une journée passée à arracher les mauvaises herbes et à préparer la terre pour planter la canne à sucre.

Les parents envoient leurs enfants au travail, tout simplement pour qu’ils gagnent leur nourriture.

Selon les organisateurs de la campagne, dans l’île de Negros, 90% des terres privées appartiennent à 2% de la population; 65% de ces terres sont plantées en canne à sucre.

A maintes reprises, des leaders chrétiens, avec à leur tête Mgr Fortich, ancien évêque de Bacolod, ont demandé que ces grandes propriétés soient démantelées. Pour eux, c’est une condition indispensable à la solution du problème de la pauvreté dans l’île. Les heurts sont fréquents entre certains prêtres et les grands propriétaires terriens.

Lorsque, en avril 1989, le gouvernement lança dans l’île de Negros une offensive contre les guérillas communistes, 35 000 villageois avaient dû fuir les zones des combats. On rapporte que 75% de ces réfugiés étaient des enfants. Un prêtre, le P. Rolando Nueva, affirme que des centaines d’entre eux sont morts.