M. Shahid Siddiqui, musulman et président du Mouvement pour les droits des minorités, a demandé au gouvernement central que 20% des emplois dans les établissements d’enseignement et la fonction publique soient réservés aux membres des minorités religieuses. Celles-ci, a-t-il dit, et spécialement les musulmans (12), sont l’objet d’une “cruelle discrimination” pour l’embauche tant dans les entreprises privées que dans l’administration à tous niveaux ; d’après lui, la plupart “des jeunes musulmans diplômés ne peuvent obtenir que des emplois de manoeuvre ou de coolie”.
Quelques jours après avoir fait droit aux requêtes des “dalits”, le cabinet du premier ministre réunissait, le 11 août 1990, une conférence à laquelle prirent part, outre 250 parlementaires, des délégués des différentes minorités concernées ainsi que des juristes, des enseignants, des journalistes, des sociologues, etc. Il s’agissait de passer en revue les 15 points d’un programme élaboré par le département des Affaires sociales, en faveur des minorités religieuses. Celles-ci sont au nombre de cinq. Plusieurs ministres étaient présents, mais c’est le premier ministre, M. Vishwanath Pratap Singh, qui mena les discussions, en assurant dès le début que “les minorités ne doivent pas seulement se sentir physiquement en sécurité, mais avoir aussi le sentiment qu’elles ont le droit de préserver leur style de vie, leur culture et leurs croyances. Il faut leur donner l’assurance qu’elles ont leur juste place dans la société.”
Dans les échanges qui suivirent, les musulmans et les chrétiens énumérèrent dans le détail tous les cas où ils s’estimaient lésés, au point même qu’ils se sentent souvent considérés comme “non indiens” par leurs propres concitoyens. Plusieurs des représentants catholiques et protestants proposèrent que, dans les “régions sensibles” du pays, on s’efforce de nommer des hauts fonctionnaires ayant déjà fait preuve de leur tolérance, pour éviter que des fauteurs de troubles ne se croient encouragés, ou tout au moins protégés, par les autorités locales. Ils ont cité aussi les restrictions qui freinent, voire empêchent, toute pratique chrétienne normale dans l’Etat d’Arunachal Pradesh (13).
En conclusion de la journée, le premier ministre indiqua qu’il soumettrait au parlement le programme en 15 points assorti de quelques suggestions, pour que des décisions rapides puissent être prises. Dès le 2 septembre, le projet était évoqué à la Chambre. L’intention du premier ministre était également de remanier la composition de la Commission des minorités, et d’en soumettre tous les rapports aux députés, afin que tout se passe dans la clarté, et que soit dorénavant écartée toute possibilité de discrimination. Prudent, M. Singh désirait, avant toute autre démarche, obtenir le feu vert de l’ensemble des partis et un consensus préalable l’autorisant à aller de l’avant.
M. L.K. Advani, président du Bharatiya Janata Party – Parti populaire indien, partisan d’une Inde hindoue – manifesta son opposition. Il proposa que des dispositions convenables soient prises pour aider les défavorisés, non plus selon les origines sociales, ou selon les appartenances religieuses, mais selon des critères strictement économiques. Propos qui, paradoxalement, rejoignaient ceux qu’avait tenus dès le 18 août, devant la presse, M. Paswan, ministre du Travail et des Affaires sociales (14) … Affaire à suivre! D’autant qu’un peu partout des associations chrétiennes se mobilisent pour que Delhi ne les oublie pas.