Eglises d'Asie

Condamnés pour “spiritualité contre-révolutionnaire”

Publié le 18/03/2010




“S’est servi de la religion à des fins de propagande contre-révolutionnaire”. Ce motif d’accusation, tant de fois utilisé dans le passé, n’a pas encore disparu du discours officiel. Il a de nouveau été invoqué par le procureur du Tribunal populaire de Hô Chi Minh-Ville, les 15 et 16 août 1990, à l’encontre d’un groupe de 11 catholiques appartenant aux diocèses de My Tho et Can Tho. Leur procès (10), différé à plusieurs reprises, semble avoir été organisé avec une grande précipitation et sans notification préalable. Les principaux accusés attendaient de passer en jugement depuis leur arrestation au mois de novembre 1987.

Ce procès était aussi celui de deux mouvements de spiritualité auxquels les inculpés étaient liés: “l’Association des humbles âmes” et le “Mouvement sacerdotal marialLe premier d’entre eux, inspiré de la spiritualité de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, s’était implanté au Vietnam aux environs de 1954. Jusqu’en 1975, il avait connu un certain succès auprès des catholiques du Sud. Après le changement de régime, les nouvelles autorités l’avaient classé dans la catégorie des “mouvements contre-révolutionnaires mondiaux” et l’avaient officiellement dissous. Le Mouvement sacerdotal marial (11) est, lui, de création plus récente au Vietnam où il a, sans doute, fait son apparition dans les années 80. Selon le chef d’accusation, il s’agirait “d’une organisation réactionnaire, rassemblant les éléments les plus anti-communistes du clergé mondialEn 1982, les deux mouvements ont fusionné. Il a été allégué que ces deux organisations recevaient des documents de l’étranger qui, une fois traduits, étaient diffusés au Vietnam “sous forme de livres de prières, de lettres spirituellesLe procureur n’a trouvé dans cette littérature qu’“opposition à l’Etat révolutionnaire, tentative de division des diverses couches de la population, calomnies anti-communistes et superstitions Selon lui, elle n’avait qu’un but: “entraîner des fidèles crédules et arriérés dans une même haine du pouvoir révolutionnaire”.

Le principal accusé, le P. Nguyen Van Dê, a été condamné à 10 ans de prison pour avoir, depuis 1982, participé au Mouvement sacerdotal marial et pour avoir reçu de l’étranger les documents incriminés. Il avait déjà été arrêté quelque temps après le changement de régime de 1975 et gardé en prison jusqu’en 1982, date à laquelle il avait été libéré et mis en résidence surveillée au séminaire de My Tho. Un deuxième prêtre, membre de la même association, le père Nguyên Van Mân, condamné à huit ans de prison ferme, avait auparavant, lui aussi, été interné de nombreuses années dans les geôles gouvernementales. Selon l’accusation, il aurait en 1975 adhéré à un mouvement contre-révolutionnaire, le “Phuc Quoc” (Renaissance nationale). En troisième dans la liste des condamnés vient une religieuse, la soeur Nguyen Thi Nhi qui, elle, est davantage liée à “l’Association des humbles âmesOn lui a reproché d’avoir, dès 1977, redonné une vie clandestine à l’association dissoute par les autorités. Elle se serait servi de “prétendues révélations de la Vierge” pour grossir les rangs de son mouvement. Des peines de 6, 5 et 3 ans de prison ont été prononcées contre 7 autres inculpés, des prêtres et des laïcs. La peine la plus légère, deux ans de prison avec sursis, a été appliquée à Mgr Nguyen Van Nam, évêque de My Tho, qui lui aussi comparaissait devant le tribunal populaire de Hô Chi Minh-Ville pour avoir approuvé la diffusion des documents considérés comme “contre-révolutionnaires”.