Eglises d'Asie

Une “Réflexion des prêtres autochtones”

Publié le 18/03/2010




16 prêtres autochtones, sur la vingtaine en poste dans le diocèse de Dili ont signé un document intitulé “Réflexion des prêtres autochtones”. Il a été divulgué à Lisbonne au mois de septembre 1990 alors que Mgr Ximenes Belo s’y trouvait après sa visite “ad limina” à Rome, le 23 septembre. Avec les prêtres originaires de Timor Oriental, une quarantaine de missionnaires indonésiens travaillent aussi dans le diocèse.

Le document analyse la situation présente dans le diocèse et l’histoire de son évolution depuis “l’occupation indonésienne” de 1975. Tout en reconnaissant qu’il occupe “une position inconfortable” (15), les prêtres locaux reprochent à l’administrateur apostolique une politique pleine de contradictions, non seulement dans la vie publique mais même dans le champ de la pastorale; politique qui ne peut que profiter à la propagande indonésienne, disent-ils.

Sont passées en revue notamment les “reculades” de Mgr Belo par rapport à ses propres déclarations verbales ou écrites. Un exemple typique est la liturgie, pour laquelle le chef du diocèse a naguère décrété que la langue des offices devait être le “tétum”, langue véhiculaire du territoire. Néanmoins, il tolère que les missionnaires venus d’Indonésie célèbrent en indonésien, même au sein de communautés dont les membres ignorent totalement cette langue. De plus, souligne le document, l’évêque, non seulement ferme les yeux mais encourage parfois ces infractions à un règlement dont il est l’auteur, en “célébrant lui-même, ou autorisant la célébration en indonésien, sans nécessité pastorale plausible”.

La critique des prêtres porte également sur les modifications apportées récemment au régime du séminaire et des écoles diocésaines, sur le fonctionnement des organismes du diocèse, sur ce qu’ils appellent “la subordination du clergé diocésain aux religieux”, indonésiens ou non. Ces derniers sont coupables, selon eux, “de ne pas s’être identifiés

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suffisamment au peuple maubère”, et encore “de conserver une mentalité de nouveaux venus, conscients de leur supériorité, et généralement favorables à l’intégration de la région dans la République indonésienne”. Cela fait d’eux “des agents colonisateurs” plutôt que “des défenseurs de l’Evangile, de la Bonne Nouvelle de la Libération”. L’interdiction faite aux prêtres de se lancer dans l’action politique – et ici c’est avant tout le nonce à Jakarta qui est visé – est jugée comme étant “à deux visages” car, écrivent les contestataires en parlant de Mgr Canalini, “il considère que c’est ‘faire de la politique’ que de signaler les flagrantes injustices pratiquées contre des populations sans défense, mais il ne considère pas que c’est ‘faire de la politique’ lorsque l’autorité ecclésiastique chemine la main dans la main avec le pouvoir civil pour imposer ses options et appliquer la politique du gouvernement”.

Le texte se termine par un rappel de “la visite du Saint-Père à notre terre martyre” et de son invitation “à l’unité, pour la recherche d’une solution juste et pacifique à nos difficultés présentes”. Là encore, le nonce est pris à partie: on exige de lui qu’il se penche davantage sur les souffrances des Timorais de l’Est, pour mieux les comprendre, et qu’il serve moins les intérêts immédiats du régime indonésien.

Quant à Mgr Ximenes Belo, dans une interview accordée au journal portugais “Publico”, le 26 septembre, il a précisé que ses 64 prêtres représentent environ un pasteur pour 10 000 fidèles, se bornant à déclarer à propos du document mentionné ci-dessus: “Nous sommes 24 à être originaires du Timor oriental. La présence d’autres nationalités crée des différences: les Timorais pensent plus à leurs droits, à leur pays, à leur culture”.

Par contre, et contrairement à ce qui s’était passé en juillet, quand il s’était gardé, en Indonésie, d’aborder aucun thème d’ordre politique (16), il s’est cette fois livré à quelques petites confidences, demandant dès l’abord à ses interlocuteurs d’éviter les problèmes trop brûlants, en leur expliquant: “Ma plus grande préoccupation est de pouvoir retourner dans mon pays: pour cela, je ne peux pas trop parler.” Et en conclusion, répondant à une interrogation sur sa sécurité là-bas au terme d’une absence de dix jours, il avouait, après avoir confirmé qu’il appuyait toujours pour son diocèse toute solution respectueuse des droits de l’homme: “J’ai toujours besoin de mesurer ce que je fais…”