Eglises d'Asie

Réfugiés vietnamiens: l’Europe démissionne.

Publié le 18/03/2010




Voilà déjà plus de 3 mois que l’on connaît l’existence d’un projet, émanant de la Communauté européenne, destiné à faciliter le rapatriement et la réintégration des réfugiés vietnamiens actuellement hébergés dans les camps du Sud-est asiatique (11). Mais, jusqu’à présent, faute d’informations et à cause d’un certain flou, sans doute volontairement entretenu, le contenu de ce plan n’apparaissait pas clairement. La presse de Hongkong vient d’en révéler certains détails. Ce projet, d’apparence humanitaire, marque, en fait, le retournement de plusieurs pays européens (12) qui, pendant longtemps, avaient éprouvé de la répugnance à l’égard du rapatriement soutenu et mis en oeuvre par la Grande-Bretagne et Hongkong.

La contribution européenne au problème des réfugiés vietnamiens avait d’abord pris la forme d’une proposition soumise à une réunion de travail consécutive à la rencontre de l’ASEAN à Jakarta en juillet 1990. Elle avait été présentée par M. Abel Matutes, responsable de la commission pour les relations nord-sud dépendant de la Communauté européenne. Elle a été ensuite rendue officielle au cours du mois d’octobre, à l’issue d’une réunion des ministres de la CEE.

Le projet porte sur les 80 000 demandeurs d’asile qui sont ou seront classés “migrants illégaux”. Il y a actuellement entre 100 000 et 120 000 pensionnaires dans les camps de premier accueil du Sud-est asiatique (13). En coopération avec le Haut-commissariat aux

Réfugiés et avec l’agrément des autorités vietnamiennes, ce plan devrait assurer le rapatriement et la réintégration des demandeurs d’asile sur une période de deux ans et demi à trois ans. La proposition européenne s’inscrit dans la ligne du plan global d’action adopté à Genève en juin 1989 par la Conférence internationale sur les réfugiés d’Indochine (14).

Le coût de ce plan est estimé à 122 millions d’écus et son financement sera assuré par des contributions bénévoles. La communauté européenne s’est engagée, pour sa part, à fournir 10 millions d’écus pour une première phase de 6 mois.

La premier objectif est d’assurer le rapatriement des demandeurs d’asile. Ce rapatriement concerne actuellement deux catégories officielles de demandeurs d’asile: ceux qui volontairement demandent leur retour au Vietnam, et ceux qui ne s’opposent pas à ce retour. Cette nouvelle catégorie, inventée lors d’un accord conclu à Hanoi, le 22 septembre 1990, entre la Grande-Bretagne, Hongkong, le Haut-commissariat aux Réfugiés et le Vietnam (15), est donc entérinée par l’Europe.

Le second objectif voudrait assurer la réintégration socio-économique de ces boat-people. Il s’agirait d’une assistance financière directe aux régions du Vietnam qui accueillent les rapatriés. Elle est destinée à y promouvoir l’emploi, le système de santé ou d’autres micro-structures.

Cet engagement marque un tournant de la politique européenne en ce qui concerne le problème des réfugiés. Cette politique avait été jusqu’ici guidée par un souci humanitaire tourné vers l’accueil définitif des demandeurs d’asile vietnamiens. Ce qui prévaut désormais, c’est la solidarité des pays européens avec leur partenaire britannique qui se débat dans des problèmes très difficiles à Hongkong. L’ambition de certains Etats, désireux de prendre place au Vietnam dans un avenir dont on ne connaît encore rien, a pesé plus lourd que les considérations humanitaires.

Les réfugiés vietnamiens font les frais de cette politique. Hongkong et la Grande-Bretagne en retirent tous les bénéfices. Les fonds destinés jusqu’ici à l’insertion des réfugiés dans les pays d’accueil serviront à leur rapatriement. De plus, ce projet approuve implicitement la procédure du “screening”, à propos de laquelle les réfugiés vietnamiens de Hongkong, eux-mêmes, en ont appelé aux tribunaux.