Eglises d'Asie

L’Eglise va-t-elle peser sur les élections présidentielles ?

Publié le 18/03/2010




Plusieurs personnalités catholiques se sont déjà exprimées sur les élections présidentielles de 1992, ne serait-ce que pour dire que l’Eglise ne soutiendra officiellement aucun candidat (7).

Beaucoup cherchent pourtant à deviner quelle influence elle va avoir sur les élections. Dans un pays ou 83% de la population est catholique, où la hiérarchie a joué, en 1986, un rôle important dans l’établissement du “Pouvoir du peuple”, il ne peut en être autrement. On cite d’ailleurs plusieurs remarques faites au cours du second concile plénier des Philippines, du 20 janvier au 17 février 1991 (8), déplorant l’absence de véritables alternatives parmi les partis politiques existants.

Le cardinal Sin, archevêque de Manille, avait d’ailleurs auparavant publiquement conseillé à Mme Aquino de se retirer à la fin de son mandat. Il s’était même déclaré, “à titre privé”, en faveur de M. Orbos, conseiller auprès de la présidence (9). On dit aussi qu’il encourage M. Osmena, gouverneur de Cebu, à se lancer dans la compétition.

En fait, une dizaine de candidatures sont déjà connues. Celle de M. Ramos, ministre de la Défense, alimente les spéculations. Il est en effet de religion protestante. Certains pensent que des évêques pourraient, en privé, se prononcer contre lui.

Pourtant, Mgr Bacani, évêque auxiliaire de Manille et président de la Commission épiscopale pour les affaires publiques, promet bien que l’Eglise ne s’opposera à aucun candidat pour des questions de religion. Et le P. Reuter, s.j., directeur national des moyens de communication, ajoute: “Les évêques ne réagiront en aucune manière si M. Ramos est élu. S’ils ont des difficultés avec lui, ce sera en raison de ses liens avec l’Amérique et non pas pour des questions religieuses”. Le P. Reuter dit encore: “Il n’y a acucune chance pour que l’Eglise se mette en bloc derrière un candidat unique, tout simplement parce que ce n’est pas dans la nature des évêques. Ils sont beaucoup trop individualistes”.

Les catholiques dominent pourtant le “Mouvement uni pour le pouvoir du peuple” (MUPP), favorable à M. Ramos. Pour M. Ricardo de la Cruz, président du MUPP et lui-même catholique, “La religion peut être un obstacle; mais ce n’est pas vraiment un problème. Le ‘vote catholique’ n’existe pas, c’est un mythe. En fin de compte, on choisira d’après les aptitudes (du candidat) et non d’après sa religion”.

L’influence de l’Eglise catholique n’en sera pas moins déterminante, en particulier dans la région de Bicol et dans les Visayas, au centre de l’archipel, où les politiciens n’hésitent pas à prendre conseil auprès des évêques. Le P. Reuter explique encore: “L’Eglise catholique constitue la force la plus importante dans le pays. Nous sommes plus puissants que le gouvernement. En ce moment, nous sommes la seule force crédible”.

Une force qui va s’accroître de manière significative, à partir du 1er mai, lorsque Radio-Veritas va reprendre ses émissions à usage “domestique”. La nouvelle est confirmée à Manille. Le financement de la station, qui jusqu’à sa fermeture au début de cette année (10), était exclusivement l’affaire de l’Eglise, est désormais prise en charge, au moins partiellement, par divers groupes financiers. Le président de la nouvelle équipe de direction sera Mgr Teodoro Buhain, évêque auxiliaire de Manille. Le cardinal Sin et trois autres évêques en feront partie. “Radio-Veritas-Philippines” réunira 27 stations émettant sur ondes moyennes à travers le pays et sera ainsi l’un des plus puissants réseaux de radiodiffusion aux Philippines. L’importance de ce projet est d’autant plus grande que, dans les campagnes, la majorité des habitants ne disposent d’autre moyen d’information que la radio.

La nouvelle direction promet bien de ne faire campagne pour aucun candidat en particulier: les critères de choix, tels qu’ils seront donnés par l’Eglise, ne manqueront pas, cependant, d’être largement diffusés à travers le pays.