Eglises d'Asie

De qui sont-ils les victimes?

Publié le 18/03/2010




Le 13 mai 1991, Mgr Camilo Gregorio, évêque de Bacolod, célébrait en présence de 10 000 personnes les funérailles de six membres de la même famille, massacrés quelques jours auparavant pour avoir squatté un terrain en dehors de la ville.

Le 5 mai 1991, Flaviano Alvarado avait commencé à reconstruire, sur une ancienne décharge, sa hutte détruite par le typhon du mois de novembre 1990. D’après des témoins, un sergent de police accompagné de sa femme, l’un et l’autre armés, ordonna au squatter de cesser le travail. La fusillade commença lorsque M. Alvarado eut refusé d’obtempérer: il devait périr, ainsi que sa femme, leur deux grands fils, leur petite fille et un charpentier qu’ils avaient embauché. Trois autres personnes étaient blessées.

La décharge de trente-trois hectares sur laquelle ils habitaient depuis de nombreuses années, et qui a été gagnée sur la mer, est supposée appartenir à une grande famille de Bacolod. Mais des milliers de personnes y sont installées. Venus des montagnes environnantes, ces réfugiés ont été chassés de chez eux par la guerre, qui sévit depuis des années entre les troupes gouvernementales et les rebelles de l’Armée du peuple nouveau. Officiellement, les communistes sont la cause de ces départs. Mais si l’on interroge les gens de l’endroit, en particulier les prêtres, la réalité semble bien différente. Beaucoup de villageois sont considérés par les autorités comme des rebelles communistes ou sont accusés d’aider ceux-ci. En fait, ils sont bien souvent les victimes des militaires eux-mêmes qui les forcent à évacuer leurs villages.

Au cours de la cérémonie des funérailles, concélébrée avec son prédécesseur, Mgr Fortich, et une vingtaine de prêtres, Mgr Gregorio devait assurer: “L’Eglise sera toujours la voix des pauvres, même si cela doit offenser les puissants”. Et Mgr Fortich ajoutait de son côté: “Si ces pauvres (qui ont été massacrés) étaient suspects de quoi que ce soit, pourquoi ne les a-t-on pas menés devant un tribunal?”