Eglises d'Asie

Les fondamentalistes hindous se montrent conciliants

Publié le 18/03/2010




Beaucoup en Inde redoutent les succès électoraux éventuels du BJP (Bharathiya Janata Party ou Parti du peuple indien). Il avait obtenu deux sièges aux élections législatives de 1984, 86 en 1989, et tous les observateurs s’attendent à ce qu’il en obtienne nettement plus lors des élections en cours – dont les deux dernières tranches, initialement programmées pour les 24 et 26 mai, ont été reportées au 12 et 15 juin en raison de l’assassinat de Rajiv Gandhi.

On sait que le BJP, soutenu par les mouvements fondamentalistes hindous (en particulier le RSS et le VHP), veut faire de l’Inde un Etat hindou. On connaît aussi la part prise par ce même parti lors du conflit sanglant entre hindous et musulmans à Ayodhia, les premiers voulant bâtir un temple (Rama Mandir) sur l’emplacement actuel d’une mosquée (Babri Masjid) (4). Cependant, si l’on en croit les déclarations récentes des leaders du BJP, les autres religions n’auraient rien à craindre de l’instauration d’un Etat hindou. Selon eux, le mot “hindou” désignerait avant tout une culture qui appartient à tous les Indiens, tout comme l’épopée du Ramayana serait la propriété commune de tous. D’autres religions pourraient avoir une place dans un Etat hindou, dans la mesure où elles se réclameraient, elles aussi, de cette même culture.

Mgr Alphonsus Mathias, archevêque de Bangalore et président de la Conférence épiscopale indienne, s’accommode volontiers de cette vision des choses. “Je n’ai pas de problème, dit-il, à déclarer que je suis hindou de par ma culture et chrétien par ma foi.” Il reconnaît que le Ramayana promeut certaines “valeurs” et que cette épopée est “une production du pays, et non pas une religion”. Il précise en outre que, lorsque la Conférence épiscopale demande qu’on ne vote pas pour des partis opposés à “certains principes ou à des valeurs humaines”, elle n’entend pas désigner le BJP. “En ce qui nous concerne, dit-il, nous ne considérons pas que le BJP soit contre nous.”

Certaines déclarations des dirigeants du BJP ne sont pas moins conciliantes. A preuve la déclaration de M. Krishnamurti, l’un des vice-présidents du parti: “Ce n’est pas une question de tolérance, car lorsque je dis que je tolère un chrétien, cela signifie que je suis supérieur et qu’il est inférieur. Nous ne vous tolérons pas. Nous vous respectons.”

On peut considérer aussi comme particulièrement significative la position prise par l’un des plus importants quotidiens de l’Inde, “The Hindu”. Comme son nom l’indique, ce journal appartient à des hindous qui diffusent chaque jour, en dernière page, des extraits de grands textes religieux. Dans son éditorial du 25 mai (édition internationale), intitulé “Votez pour l’Inde”, ce journal explique que les responsables de la publication sont très attachés à l’hindouisme. Ils n’en sont pas moins attachés au laïcisme, un laïcisme à l’indienne, qui ne consiste pas à ignorer la religion mais à respecter et à défendre toute attitude religieuse. Le journal récuse donc la promotion d’une religion particulière qui se ferait au détriment de l’unité de l’Inde. Récemment plusieurs autres publications indiennes ont diffusé des débats qui, généralement dans leurs conclusions, rejoignent la position de “The Hindu”.

L’émotion suscitée par l’assassinat de Rajiv Gandhi n’est peut-être pas étrangère à ces prises de position plus conciliantes. En effet, suite à cette tragédie, le pays dans son ensemble et la classe politique en particulier semblent mesurer un peu mieux les risques de violence que comportent des déclarations trop partisanes.