Eglises d'Asie – Divers Horizons
L’ASEAN s’inquiète de l’importance accrue qu’accordent les 0ccidentaux aux droits de l’homme et à la démocratisation dans les accords de coopération économique
Publié le 18/03/2010
L’Europe, devenant économiquement plus puissante par l’intégration des marchés des anciens pays communistes, pourrait se montrer politiquement plus exigeante dans ses négociations avec les pays du Sud-est asiatique. Les Américains et les Européens apparaissent de plus en plus déterminés à lier les questions de démocratisation, d’écologie et de droits de l’homme à toutes leurs négociations commerciales. Les gouvernements de l’ASEAN, quant à eux, ne peuvent plus brandir la menace soviétique ou celle de la subversion communiste pour obtenir de leurs partenaires occidentaux qu’ils ferment les yeux en ces divers domaines.
Au début de l’année 1991, les gouvernements de l’ASEAN se sont durement affrontés à la Communauté européenne qui insistait pour inscrire les questions de droits de l’homme et d’écologie à l’ordre du jour d’une série de réunions ministérielles destinées à définir les termes d’une nouvelle coopération économique entre l’Europe et l’ASEAN. Les Européens avaient alors été accusés d' »appliquer de manière tendancieuse des normes et des valeurs occidentales aux relations entre Etats », et d' »élaborer des critères de jugement pour condamner certains pays ». Les pays de l’ASEAN estiment qu’il est hypocrite de la part des Européens de soulever aujourd’hui la question des droits de l’homme à leur encontre, alors que durant toute la période de la guerre froide, les mêmes Européens les présentaient comme de brillants modèles de libéralisme économique.
En dépit d’un compromis diplomatique, élaboré en juillet 1991 à Kuala Lumpur, il apparaît que les positions respectives de l’ASEAN et de la Communauté européenne s’acheminent plutôt vers un durcissement. L’Europe semble en effet déterminée à convaincre les pays de l’ASEAN qu’une croissance économique soutenue n’est pas possible sans une libéralisation politique complète. « Ce que nous disons, c’est que le
développement économique n’est possible qu’à l’intérieur de structures de justice sociale, ce qui signifie la reconnaissance des droits universels de l’homme », déclare par exemple M. Juan Prat, directeur général de la Commission pour les relations Nord-Sud à la Commission européenne de Bruxelles.
Par ailleurs, les gouvernements de l’ASEAN s’inquiètent de voir les événements d’Union soviétique présentés comme la victoire des « valeurs occidentales » telles que la démocratie. En août 1991, juste avant l’échec du coup d’Etat conservateur de Moscou, M. Mahathir, Premier ministre de Malaisie déclarait – réaction significative – que ce coup d’Etat était en partie de la faute des Occidentaux qui « s’étaient préoccupés de démocratisation plutôt que d’intégration de l’Union soviétique dans une économie de marché ».
Dans le même ordre d’idées, il est peu probable que les Etats de l’ASEAN soutiennent les Occidentaux si ceux-ci font pression sur les leaders communistes chinois pour qu’ils abandonnent leur idéologie. Beaucoup craignent la déstabilisation régionale qui pourrait résulter d’un changement de régime à Pékin et du chaos qui s’ensuivrait éventuellement en Chine.
Même le Japon vient d’introduire la notion de « progrès vers la démocratie » comme l’un des quatre principes devant gouverner sa coopération économique avec les autres pays. Les Japonais auraient récemment mentionné cet élément nouveau lors de négociations avec les gouvernements de Thaïlande et d’Indonésie.
Au mois de janvier 1991, M. Ali Alatas, ministre indonésien des Affaires étrangères, estimait déjà que les questions écologiques et les droits de l’homme étaient devenus des facteurs essentiels dans les relations diplomatiques internationales et que l’Indonésie devrait sans doute s’en préoccuper davantage si elle voulait jouer un rôle plus important dans les instances mondiales (22).