Eglises d'Asie

LETTRE COMMUNE DE LA CONFERENCE EPISCOPALE – 1991

Publié le 18/03/2010




Aux prêtres, séminaristes, religieux et religieuses, à tous nos frères et soeurs, les fidèles de tout le pays.

Frères et soeurs bien aimés,

Dans la lumière de l’Esprit-Saint et sous le patronage de la Vierge Marie, vos évêques se sont rassemblés du 6 au 15 avril 1991 dans la capitale Hanoi, pour la réunion annuelle de la Conférence épiscopale. Cette rencontre avait lieu après notre pèlerinage à Rome qui comportait la visite “ad limina” et une rencontre personnelle avec le pape, ces deux démarches étant prévues par la législation de l’Eglise.

Au cours de notre séjour à Rome, nous avons pu concélébrer l’Eucharistie avec le Saint-Père à l’occasion de la fête des saints martyrs du Vietnam, fête qui coïncidait avec le 30ème anniversaire de l’établissement de la hiérarchie dans notre pays. Au cours de l’audience particulière qu’il a donnée aux évêques vietnamiens, le pape a prononcé une très importante allocution qui était destinée à notre Eglise. Nous vous en transmettons le texte original et en même temps, pour vous aider à mieux le comprendre, nous relevons ci-dessous un certain nombre d’idées plus saillantes que le pape a voulu nous suggérer.

I – Une place mieux reconnue afin de mieux servir

Après avoir exprimé ses sentiments d’estime et d’admiration pour l’Eglise du Vietnam et avoir prié les évêques de les transmettre aux prêtres, religieux, religieuses et laïcs de leurs diocèses, le Saint-Père a déclaré:

“Je souhaite (…) que, dans un proche avenir, l’Eglise vietnamienne voie toujours mieux reconnue la place qui lui revient dans la société. La communauté catholique de votre pays, qui a contribué à son indépendance dans le passé, désire aujourd’hui travailler pour le bien de ses compatriotes et pour la reconstruction du pays, par l’apport de tous ses membres, des prêtres, des religieux, des religieuses et des laïcs; et je sais qu’elle le fait déjà avec générosité, discrétion et fidélité. Personne ne peut douter que les catholiques soient vraiment prêts à se mettre au service des pauvres, des déshérités, des malades, dans la perspective d’une société de justice, d’amour et de bien-être” (N° 2).

Le souhait du pape fait allusion à l’orientation pastorale que la Conférence épiscopale a tracée dans la lettre commune de 1980: “Vivre et annoncer l’Evangile au sein du peuple vietnamien, au service du bonheur de nos compatriotes”. Mais pour accomplir plus efficacement cette mission, l’Eglise a besoin d’être reconnue pour ce qu’elle est, à savoir une institution au service de l’homme et de son bonheur, objectifs poursuivis par tous les régimes justes. Rappelant les enseignements du Concile Vatican II, le Saint-Père a ajouté:

“L’Eglise ne demande pas de privilèges, mais qu’il lui soit accordé la liberté de servir le pays avec toutes ses capacités” (N° 5).

II – L’union au service de l’homme et de la société

La pape a rappelé les enseignements du Concile sur l’Eglise, à la fois mystère de communion, signe et instrument d’unité :

“L’Eglise, le Corps vivant dont le Christ est la Tête, est signe et instrument d’union et de réconciliation. Invitez tous les fidèles – prêtres, religieux et laïcs – à prendre leur part de responsabilité, grâce à une concertation constante, auprès de vous qui exercez le ministère apostolique. En partageant expériences et opinions, que tous apprennent à se mettre au véritable service de l’homme et de la société. Que l’on retrouve les fondements d’une connaissance authentique de l’homme, ouvert à la transcendance, éclairé par la foi sur sa propre condition, guidé dans son travail et dans la vie avec les autres par la doctrine morale et sociale de l’Eglise, frère pour tous les hommes, fils créé et sauvé par Dieu” (N° 7).

L’Eglise est un sacrement, c’est-à-dire le signe et l’instrument de l’unité intime des hommes avec Dieu ainsi que de leur communion entre eux. L’Eglise, par l’intermédiaire de ses membres, considère le service de l’homme comme sa voie propre, suivant ainsi l’exemple du Christ, lui qui est venu non pour être servi mais pour servir et s’offrir en rançon pour la multitude (Mc 10, 45). L’homme que l’Eglise désire servir de toutes ses

forces, c’est l’homme intégral, dans toutes ses dimensions: économique, culturelle, morale et spirituelle… , l’homme, “frère pour tous les hommes, fils créé et sauvé par DieuEn refusant l’une ou l’autre de ces dimensions, on mutile l’humanité et, tôt ou tard, on la conduira vers l’avilissement et l’esclavage.

III – Renouveau et réconciliation

Le Saint-Père a lancé à notre Eglise et à notre nation un chaleureux appel au renouveau et à la réconciliation.

“Que (les fidèles) oeuvrent pour le renouveau de leur Eglise et de leur pays, dans un esprit de réconciliation, entre catholiques là où c’est nécessaire, entre catholiques et compatriotes de convictions différentes là où des oppositions se sont durcies. Que ne subsiste pas d’amertume entre frères et soeurs d’un même peuple” (N° 8).

Nous devons apporter notre contribution au renouveau de l’Eglise et de notre pays. Transformons notre regard, notre esprit, notre mentalité, notre mode de vie ainsi que les rapports sociaux. Renouvelons notre âme, car c’est en elle que se trouve le fondement et les prémisses de tout renouveau pour notre patrie aussi bien que pour l’Eglise.

“Que ne subsiste pas d’amertume entre frères et soeurs d’un même peuple!” La réconciliation est la voie primordiale pour l’édification et la défense de notre patrie.

IV – Rayonner la lumière et l’amour

“Avec humilité, sincérité, désintéressement, que les fidèles sachent rayonner la lumière reçue au baptême, l’amour partagé dans l’eucharistie” (N° 8).

Il nous faut revenir aux exigences de notre baptême et de l’eucharistie. La foi nous a été donnée non comme un privilège dont nous pourrions jouir, mais comme un talent que nous devons faire fructifier pour qu’il rapporte des intérêts. L’évangélisation concerne tout le monde, tous les chrétiens, tous les diocèses, toutes les paroisses, toutes les organisations et associations dans l’Eglise. C’est l’ensemble de l’Eglise qui répondra avec enthousiasme à l’invitation qui lui est faite d’entrer dans une décennie d’évangélisation, de “nouvelle évangélisation” selon la volonté du pape. Que l’eucharistie implante en nous un amour sincère, qu’elle nous incite à partager cet amour avec tous. Nous sommes à la suite du Christ Jésus, non seulement pour être sauvés nous-mêmes, mais aussi pour collaborer à son oeuvre de salut. Répondons donc concrètement à l’appel du Saint-Père.

V – Que les prêtres restent fidèles à leur vie sacerdotale

Pour réaliser les objectifs élevés proposés ci-dessus, le Saint-Père appelle tous les membres du Peuple de Dieu à vivre dans la sainteté, à collaborer avec zèle à la mission de l’Eglise. Le Saint-Père a parlé de la fidélité, de la constance et du zèle pastoral des prêtres; il a demandé aux évêques de porter toute leur attention à la coordination des diverses activités des prêtres, à leur ressourcement spirituel et à leur formation permanente. Il s’est montré préoccupé du petit nombre de prêtres et de leur grand âge. Il a souhaité que les prêtres continuent leur formation personnelle.

Puissent tous les prêtres abandonner tout ce qui est étranger ou préjudiciable à leur

mission spirituelle. Qu’en même temps, ils s’efforcent d’acquérir les vertus nécessaires à l’exemple du Christ, le Bon Pasteur, qui est disposé à donner sa vie pour son troupeau. Comme nous l’a enseigné le Concile Vatican II: “Dans le renouveau de l’Eglise le presbytérat joue un rôle de première importance” (LM 1).

Le Saint-Père a aussi évoqué les séminaristes. Il a souhaité qu’ils puissent librement suivre leur vocation, être formés soigneusement, et, lorsqu’ils seront prêts, être ordonnés afin de pouvoir commencer leur ministère.

“Un prêtre bien formé est un bien pour l’Eglise et aussi un bien précieux pour le peuple qu’il a mission de servir” (N° 4).

VI – Des religieux fidèles et généreux

Le Saint-Père a exalté la fidélité des religieux et religieuses à leurs engagements et à leur consécration à Dieu. Il a aussi fait l’éloge de leur générosité dans le travail pastoral ainsi que dans les oeuvres caritatives et sociales.

“Je sais que chez vous, religieux et religieuses se montrent disponibles pour assurer les tâches d’enseignement, des services sanitaires et d’autres missions d’ordre social. C’est une manière très appréciable de contribuer au bien de leur peuple, à la reconstruction de ce pays qui a besoin du dévouement de tous ses fils. En travaillant pour le bien commun, stimulés par l’esprit de l’Evangile, ils montrent et montreront concrètement que les chrétiens sont solidaires de leurs frères” (N° 5).

Fidèles à l’Evangile et au charisme de leur fondateur, les religieux sont la floraison de l’Eglise, épouse du Christ et signe de la vie future. Grâce à cette fidélité, ils participeront activement et avec enthousiasme aux divers services de l’Eglise et de la société. Le Saint-Père désire que les congrégations religieuses aient la liberté d’accueillir des vocations, de bien former les novices, d’envoyer leurs membres dans les endroits où l’on a besoin d’eux. On ne peut que souhaiter un heureux développement de la vie religieuse au Vietnam.

VII – Des laïcs engagés dans la consécration du monde

Enfin, le Saint-Père s’est tourné vers les laïcs vietnamiens et n’a pas ménagé ses éloges pour leur piété, leur participation active à la mission ecclésiale. Il a spécialement mentionné la responsabilité du laïcat dans la consécration du monde. Il a dit:

“C’est une oeuvre qui est particulièrement à la charge des fidèles laïcs … Avec les changements profonds que connaît la société dans tous les pays, il importe que les laïcs soient aidés à progresser dans leur lecture chrétienne des réalités sociales, dans leur appréciation des critères de la vie morale et de la justice, dans le respect de la vérité, dans leur résistance à toute sorte de corruption, dans l’expression personnelle et commune de la foi” (N° 6).

Le Saint-Père désire que les laïcs continuent d’être formés à la vie chrétienne et reçoivent un appui proportionné à leur rôle dans l’Eglise.

VIII – Le Saint-Père et l’Eglise au Vietnam

Avant de conclure, nous voudrions vous rappeler la tendresse, le respect et le souci particulier que le Saint-Père éprouve pour l’Eglise et le peuple du Vietnam. Un témoignage concret en est la délégation du Saint-Siège qui, conduite par le cardinal Etchegaray, est venue au Vietnam. Elle s’est entretenue avec les responsables gouvernementaux d’un certain nombre de questions importantes auxquelles l’Eglise est affrontée. Ce chemin, même s’il est encore long et non dépourvu de difficultés, est un bon chemin, un chemin raisonnable et très prometteur pour l’avenir.

La Saint-Père a promis qu’il fera tout ce qu’il lui est possible de faire dans l’intérêt de l’Eglise et du peuple vietnamien.

Il a aussi réaffirmé sa communion, sa solidarité ainsi que ses sentiments paternels. Il nous a confié à la médiation maternelle de la Vierge Marie et il a donné sa bénédiction apostolique à tout le peuple de Dieu au Vietnam.

IX – Aimer la Vierge Marie et suivre son exemple

En accord avec le désir du Saint-Père, nous avons décidé que tout ce mois de mai serait consacré au culte, à la méditation et à l’imitation de la Sainte Mère. Nous prierons pour notre patrie, le Vietnam, pour les travaux de nos dirigeants (1), pour l’Eglise et la vie de l’Eglise, pour la fraternité et l’union de tous les éléments de la population, pour la justice, la liberté et la paix dans notre pays, ainsi que pour le bonheur de tous les hommes. Le dernier jour du mois, le 31 mai 1991, fête de la Visitation de la Vierge, sera un jour de clôture consacré à la Vierge Marie.

Ces jours derniers, nous avons beaucoup prié pour vous, dans un esprit d’union et de partage avec tous ceux qui actuellement rencontrent épreuves et difficultés dans leur vie. Que la Vierge Marie soit toujours auprès de vous, frères et soeurs, et qu’à tous elle accorde son secours. Que le Seigneur vous bénisse.

Hanoi, le 15 avril 1991

La Conférence épiscopale du Vietnam

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