Eglises d'Asie – Timor Oriental
Les impressions d’un observateur indonésien catholique
Publié le 18/03/2010
Au point de vue matériel, de grands progrès ont indiscutablement été réalisés: réseau routier développé et presque partout asphalté, communications faciles avec tous les chefs-lieux de districts ou de cantons, cliniques et écoles bien distribuées dans toutes les régions, possibilités d’études universitaires ou techniques à Dili. Après dix ans, le pays n’est plus reconnaissable: il fallait alors une semaine pour franchir à peine 200 km entre Dili et Lospalos, tandis qu’actuellement le trajet s’effectue en quatre heures; pendant la même période, le taux d’analphabétisme est tombé de 60 à 20%. Mais en dépit des progrès, des problèmes se posent toujours dans les domaines social, économique et politique.
L'”intégration” de Timor Oriental à l’Indonésie semble encore loin d’être achevée, de même que l'”intégration” des non-Timorais à la population locale laisse beaucoup à désirer: le “choc culturel” est toujours ressenti, de part et d’autre. La position de l’Eglise est particulièrement inconfortable: ses “pouvoirs” anciens, qui étaient étendus, sont bridés par ceux de l’administration nouvelle, et ses moyens financiers, toujours considérables, sont amplement débordés par les largesses gouvernementales. Mais elle garde sur le peuple une influence que lui envient les pouvoirs publics, et qui les indisposent. D’où une tension “Eglise-Etat” toujours latente et que l’on tente de camoufler derrière une attitude commune en faveur du développement, l’évêque étant censé amener les chrétiens à une participation active que ceux-ci rechignent à offrir.
Sur le plan purement politique, les autorités ecclésiastiques se tiennent sur une absolue réserve. Cependant, elles ne peuvent fermer les yeux quand des droits individuels ou sociaux sont violés, ce qui est le cas surtout quand des fonctionnaires de la Sécurité entrent en action. Les autorités diocésaines sont alors prises entre deux feux: élever un peu trop la voix pour défendre les gens apparaîtrait, aux yeux de l’Indonésie, comme un acte hostile; par contre, garder le silence impliquerait une sérieuse perte de crédibilité auprès de la communauté chrétienne.
Il suffirait cependant, disent certains analystes prônant la conciliation, que l’on montre de part et d’autre de la bonne volonté pour prendre d’abord en considération le bien des Timorais de l’Est. Mais pour cela, il faudrait que le gouvernement central laisse une certaine marge d’autonomie au territoire, reconnaisse sa situation singulière et permette à l’Eglise de jouer un rôle social plus grand.
En attendant, la consigne reste “l’alignement sur les autres provinces” (15).