Eglises d'Asie

LETTRE OUVERTE AUX CITOYENS DE HONGKONG.

Publié le 18/03/2010




Hongkong, le 9 novembre 1991.

Chers citoyens de Hongkong,

Nous, Vietnamiens, victimes de la persécution communiste, sommes venus chercher asile dans votre cher pays de Hongkong. C’est avec sincérité que nous vous exprimons nos plus chaleureux remerciements à vous tous, citoyens de Hongkong, pour nous avoir accueillis généreusement et les bras ouverts.

Comme êtres humains créés par Dieu tout-puissant, nous avons eu la chance d’hériter des mêmes traditions confucéennes et des mêmes valeurs familiales que vous. Mais, depuis 1975, cruellement, le destin nous a poussés entre les mains des communistes. Ils ont imposé à notre peuple un gouvernement qui a extirpé de son sein toutes les traditions et valeurs culturelles, les religions ainsi que les fondements familiaux de notre pays. Notre peuple vit aujourd’hui dans une crise très sérieuse et sous une constante menace. N’importe qui peut être accusé de s’opposer au régime, et alors, emprisonné sans procès. Notre patrie est assimilée au parti communiste. Quiconque est en désaccord avec ce dernier est accusé de “s’opposer à sa propre patrie”.

Récemment, à la suite de pressions de la Chine et de manoeuvres politiques des dirigeants communistes, nous avons été utilisés comme monnaie d’échange entre les gouvernements du Royaume-Uni et du Vietnam. Le 29 octobre 1991, les deux pays ont signé un accord prévoyant notre expulsion à nous tous, les demandeurs d’asile politique actuellement détenus à Hongkong. Ce 9 novembre 1991, 59 d’entre nous ont été traînés jusqu’à l’avion et renvoyés de force au Vietnam, contre leur volonté. Certains réfugiés épuisés ont, dans leur désespoir, résisté avec acharnement, mais ils ont été finalement transportés jusqu’à l’avion, enveloppés dans des couvertures.

Nous vous sommes reconnaissants à vous citoyens de Hongkong, pour votre sincère amitié et pour la compréhension que vous avez manifestée à l’égard de notre pitoyable situation. En soutenant notre cause, votre solidarité avec nous a provoqué dans la communauté mondiale une grande sympathie à notre égard. Gardez précieusement cette noble image qui est la vôtre, l’image d’un peuple tout rempli de charité, chérissant la liberté et la démocratie.

Nous sommes convaincus que le communisme ne va pas tarder à s’écrouler dans notre chère patrie comme c’est déjà le cas en Europe de l’Est ou en Union Soviétique. Nous reviendrons dans notre patrie avec joie, lorsque les droits de l’homme y seront respectés, lorsque la liberté et la démocratie y auront été restaurées.

Dans les jours qui viennent, nous devrons porter en nous soucis, angoisse et peur dans la perspective de l’emprisonnement, de la persécution et même de la mort qui nous attendent lors de notre retour forcé dans notre patrie sous régime communiste. En conséquence, nous sommes obligés de recourir à notre droit de protester contre le rapatriement forcé, par des manifestations non violentes. Nous n’avons pas l’intention de troubler la tranquillité de votre vie. Nous sommes convaincus que vous comprendriez nos motifs si vous étiez dans la même situation critique que nous. Certainement, il n’y aurait personne pour abandonner la lutte ou céder devant la menace d’une mort qui lui serait destinée à lui et à ses enfants.

En attendant, veuillez nous donner la possibilité de vous exprimer notre profonde gratitude, à vous, citoyens de Hongkong. Nous voudrions offrir notre contribution à votre économie avec nos ressources et nos capacités limitées. Par exemple, nous pourrions fournir la main d’oeuvre qui aiderait à la construction de l’aéroport que vous projetez.

Nous prions sincèrement pour que Dieu vous accorde ses nombreuses bénédictions, à vous, à ceux qui vous sont chers ainsi qu’à votre beau pays et que vous puissiez de la sorte continuer à partager votre amitié avec les membres souffrants de la communauté humaine.

Avec notre reconnaissance.

Les victimes vietnamiennes du communisme,

demandeurs d’asile politique à Hongkong.

(EDA 11.11.91)

NOUS NE VOULONS PAS RETOURNER AU VIETNAM

Hongkong, le 3 novembre 1991

“J’étais étranger et vous m’avez accueilli” (Mt 25, 3)

Très saint Père,

Nous, les membres de la communauté de plus de 60 000 réfugiés vietnamiens, actuellement internés dans les camps de détention de Hongkong, en plein monde libre, nous vous exprimons notre affection et notre respect et vous prions de bien vouloir nous accorder votre bénédiction.

Depuis le 30 avril 1975, date à laquelle les communistes vietnamiens se sont emparés de la totalité du Vietnam, des millions de personnes du Nord et du Sud ont fui le Vietnam pour préserver leur héritage culturel et protéger leurs croyances religieuses. Nous avons dû abandonner notre patrie, bien que nos compatriotes soient connus pour l’endurance et le courage qu’ils déploient afin de n’être pas séparés de leurs ancêtres dans la vie comme dans la mort.

Notre peuple a supporté toutes sortes de malheurs dûs aux calamités naturelles ou aux ravages de la guerre, mais jamais, il n’a connu une aussi tragique situation qu’aujourd’hui.

La décision d’abandonner notre pays n’a été prise par nous que dans une situation désespérée, alors qu’il n’y avait pas d’autre choix. Pour fuir le Vietnam, nous avons dû, pendant des jours, errer en haute mer, en proie à la faim et aux tempêtes; beaucoup d’entre nous ont été tués ou kidnappés par les pirates de la mer. Et pourtant, nous avons décidé de prendre ce risque, dans le seul espoir de parvenir à un pays libre.

Mais le sort nous a été contraire. Pour des raisons politiques peu claires, nous avons été considérés comme des migrants illégaux et, de ce fait, placés dans des centres de détention. Nous avons été privés du nécessaire, aussi bien physiquement que moralement. Nous vivons dans une tension mentale constante, depuis que nous sommes sans perspective d’avenir et sous la menace du rapatriement forcé.

Très saint Père,

L’heure la plus tragique pour nous est arrivée: le 29 octobre 1991, la Grande-Bretagne et le Vietnam ont signé un accord de rapatriement obligatoire. Cet accord permet de rapatrier par la force tout “boat-people” vietnamien considéré comme non-réfugié politique.

Nous ne voulons pas retourner au Vietnam, bien que ce soit notre patrie très chère, car nous savons parfaitement ce qui nous y attend: enquête, isolement, persécution et emprisonnement.

Bien que les Etats-Unis soient toujours opposés au rapatriement forcé des réfugiés, les autorités de Hongkong et de Grande-Bretagne sont décidées à mettre en oeuvre le rapatriement obligatoire, même s’il faut pour cela utiliser la force et la violence.

Nous croyons savoir que la Communauté européenne va payer mille dollars à Hanoi pour chaque retour; ainsi, les réfugiés sont utilisés comme monnaie d’échange entre des puissances sans coeur, qui ignorent l’homme et sa dignité. Elles placent leurs intérêts égoïstes au-dessus de l’esprit humanitaire et des vertus morales. Et les victimes de ces arrangements sont les réfugiés comme nous, qui avons déjà tant souffert durant les longues années de la guerre du Vietnam et de l’après-guerre.

Très saint Père,

Nous sommes les plus malheureux des êtres humains, persécutés dans notre propre patrie et, maintenant, vivant dans la tristesse et l’angoisse sur un territoire même du monde libre.

Le 23 octobre 1991, l’accord de Paris ramenait la vie et l’espérance au Cambodge, pays voisin du nôtre. Or, seulement 6 jours après, le 29 octobre 1991, l’accord passé entre la Grande-Bretagne et le Vietnam constituait un événement tragique aux plus funestes conséquences pour les réfugiés vietnamiens déjà en proie à tant de désespoir et de souffrance.

Nous prions pour que notre cher pays connaisse rapidement un aussi beau jour que celui que vient de connaître son voisin, le Cambodge. Notre désir le plus ardent est de revenir dans notre pays natal dès que Hanoi aura rétabli les droits de l’homme pour chaque citoyen, afin que nous puissions nous aimer les uns les autres comme vous nous y appelez dans l’encyclique “Sollicitudo rei socialis” : “C’est une ferme et persévérante détermination de s’engager soi-même au service du bien commun, c’est à dire au service du bien de tous et de chaque individu, parce que nous sommes tous réellement responsables de tous” (Discours de bienvenue, p.13).

Ainsi, nous nous tournons vers vous comme vers notre dernier recours et notre dernière espérance. Très saint Père, nous vous prions respectueusement d’user de votre bienveillance et de votre autorité spirituelle pour intervenir auprès des autorités de Grande-Bretagne et de Hongkong afin qu’elles mettent un terme à leur projet inhumain de rapatriement obligatoire des réfugiés vietnamiens.

Nous, les plus infortunés des réfugiés, appartenant à toutes les religions, nous sollicitons respectueusement votre aide pour nous sauver. Nous prions pour que l’Esprit saint vous protège ainsi que l’Eglise. Que Dieu vous bénisse et vos donne la force de conduire son troupeau jusqu’à sa destination finale, l’union à Dieu dans le paradis.

Encore une fois, tous les réfugiés vietnamiens vous expriment leur affection et leur respect et implorent votre bénédiction. Avec toute leur reconnaissance.

La communauté des réfugiés vietnamiens de Hongkong.