Cette dernière est sans doute la plus émouvante car elle a été écrite sous le coup de l’émotion provoquée, le 9 novembre, dans les camps de réfugiés, par l’expulsion forcée vers Hanoi de 59 demandeurs d’asile, appelés “récidivistes”, à bord d’un avion d’une compagnie indonésienne. L’opération, pourtant soigneusement préparée, ne s’est pas déroulée sans rencontrer de résistance chez les réfugiés vietnamiens. Les journalistes convoqués pour la circonstance ont vu certaines victimes traînées vers l’avion, d’autres transportées par les policiers. Un des expulsés avait les mains liées. Ce qui n’a pas empêché un porte-parole du Foreign Office de déclarer pudiquement que l’opération s’était déroulée en utilisant le “minimum de persuasion”. Le coordinateur pour les réfugiés auprès du gouvernement de Hongkong a, lui, affirmé que cette expulsion “avait été un succès” et qu'”il n’avait pas été question de force”.
La lettre au pape a été écrite tout de suite après l’annonce de l’accord du 29 octobre 1991 passé entre la Grande-Bretagne et le Vietnam et prévoyant le rapatriement forcé de la totalité des demandeurs d’asile vietnamiens classés dans la catégorie des migrants illégaux. Une fois de plus, dans cette lettre, les pensionnaires des camps de Hongkong revendiquent leur qualité de réfugiés politiques et passent en revue les violations des droits de l’homme qui ont provoqué leur départ du Vietnam. Il mettent aussi en doute la promesse faite par les autorités vietnamiennes aux responsables du Haut-commissariat aux Réfugiés, selon laquelle les réfugiés ne seraient pas victimes de représailles.
Certains faits semblent en effet donner raison aux auteurs de cette lettre. Les propos tenus par des fonctionnaires de Haïphong et rapportés par “Eglises d’Asie” (18) semblent être confirmés puisque l’un des rapatriés volontaires, M. Nguyên Van Khang, a été interpellé par la police de Haïphong, le jour-même de son arrivée à Hanoi, alors qu’il était encore dans le centre de transit. La police a déclaré qu’il était coupable de “sabotage de projet d’Etatsans pouvoir expliciter cette étrange accusation. Par ailleurs, des lettres en provenance de Huê et de Da Nang font état de l’arrestation au Vietnam d’au moins un rapatrié volontaire. Selon une enquête entreprise à la demande du Haut-commissariat aux Réfugiés, la personne arrêtée aurait été relâchée, les charges relevées contre elle s’étant révélées fausses.