Eglises d'Asie

L’armée sur le banc des accusés: création d’une commission d’enquête

Publié le 18/03/2010




Accusée d’être responsable de la fusillade de Dili (15), l’armée indonésienne rejette le blâme sur “les séparatistes de Timor Oriental”, prétendant que sur les lieux mêmes de l’incident avaient été saisies des grenades à main, des carabines, des mitraillettes et des hachettes. Il s’agirait, d’après elle, d’une émeute orchestrée par le Fretilin.

Répondant à des journalistes qui l’interviewaient à Jakarta, le général Sutrisno, chef de l’armée, a renouvelé son avertissement du 13 novembre à l’Eglise et à la communauté catholiques: qu’elles ne se laissent pas manipuler “par des éléments cherchant à créer le désordre”. Il a d’autre part insisté sur le caractère interne à l’Indonésie du problème timorais, qui doit pouvoir être réglé sans intervention étrangère. Il a aussi critiqué l’intérêt soudain porté à Timor Oriental par diverses personnalités politiques d’Australie et de Nouvelle-Zélande, du Portugal et de Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de la Communauté européenne.

Le général Sutrisno a répété que serait menée sur place “une enquête approfondie”. On espère, dans les groupes de défense des droits de l’homme, que cette enquête tiendra compte des témoignages d’étrangers présents lors de la fusillade du 12 novembre. M. Ali Alatas, ministre des Affaires étrangères, a déclaré qu’il veillerait lui-même à ce que les indispensables investigations soient réalisées de manière à ne décevoir personne. Le ministre cherche sans doute à rassurer le consortium de nations occidentales connu sous le nom de “Groupe intergouvernemental pour l’Indonésie”, qui fournit une aide financière annuelle très importante à l’Indonésie.

Par décret présidentiel du 19 novembre, a été mise sur pied une commission d’enquête formée de 7 personnalités. Présidée par M. Djaelani, juge à la Haute Cour, elle comprend le contre-amiral Sumitro, inspecteur général des forces armées, des hauts fonctionnaires de la Justice, de l’Intérieur, des Affaires étrangères, le vice-président du Conseil suprême de la République et un député timorais de l’Est, membre de la majorité gouvernementale. La tâche sera difficile, dit ce dernier, qui reconnaît l’avoir acceptée sans enthousiasme: “Je ne voudrais pas trahir le peuple de Timor Oriental”, a-t-il déclaré, ajoutant que les coupables devaient être châtiés, “même s’ils se trouvent dans les rangs de l’armée”.

Le gouverneur de Timor Oriental, Mario Viegas Carrascalao, que l’incident de Dili semble avoir bouleversé, s’est montré satisfait de la composition de la commission d’enquête; il en espère un rapport scrupuleusement objectif. Il menace de démissionner de son poste dans le cas contraire. Il a révélé avoir assuré personnellement, après la fusillade du 12 novembre, la protection de 250 jeunes gens qui se trouvaient dans le cortège et avaient cherché refuge à la résidence de Mgr Belo, administrateur apostolique (16). Il a enfin convenu qu’après tout ceci, il ne serait pas facile de regagner les coeurs et la confiance de ses administrés.