Eglises d'Asie

Une loterie nationale controversée

Publié le 18/03/2010




Depuis quelques mois, diverses organisations – religieuses et culturelles – musulmanes s’interrogent sur l’opportunité, pour un Etat à dominante islamique, de patronner une loterie nationale dont le revenu est utilisé à diverses fins publiques: fonds de secours pour d’éventuelles catastrophes naturelles, pour des programmes de développement, des oeuvres éducatives ou des événements sportifs. On soupçonne aussi que ces fonds servent à alimenter le « Golkar », coalition au pouvoir à Jakarta. Les rentrées hebdomadaires de cette loterie seraient de l’ordre de 60 millions de francs.

Selon certains groupes islamiques, pareille loterie est assimilable aux jeux de hasard, que l’islam comme la Constitution indonésienne interdisent. Des protestations étaient émises depuis un certain temps dans les milieux islamiques. Elles se sont intensifiées en juillet 1991, quand Mme Haryati Subadio, ministre des Affaires sociales, a annoncé que neuf tirages supplémentaires auraient lieu avant la fin de l’année. Des établissements scolaires et des groupes d’étudiants ont commencé à refuser les dons qui leur étaient faits par la fondation chargée de distribuer les fonds provenant de la loterie.

Cette opposition croissante à une telle « institution » inquiète les autorités, qui craignent de perdre le soutien des cercles musulmans « de stricte observance », pour les prochaines élections. Le gouvernement n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour se rallier ces milieux: l’appui accordé à la création d’une banque islamique et à la formation d’une association d’intellectuels musulmans, ou encore la propagande qui a entouré le pèlerinage à la Mecque du président Suharto (8) en sont les preuves tangibles. Celui-ci n’en redoute pas moins les interventions de religieux musulmans qui pourraient mettre en péril l’équilibre de son gouvernement (9).

Le 2 novembre 1991, dans une province javanaise, les autorités ont interdit un séminaire qui se proposait de discuter du problème de la loterie sous l’angle de l’islam. Huit jours plus tard, une manifestation de 2 000 jeunes réclamait, à Bandung, la suppression de la loterie. Le gouvernement, qui dit ne pouvoir se passer des ressources qu’elle lui procure, a promis de prendre des mesures pour « atténuer ses séquelles sociales néfastes », mais, assure M. K.H.Hasan Basri, qui préside une coordination de plusieurs associations culturelles islamiques, « jusqu’à présent il n’a rien fait dans ce sens ».

Le mandat des organisateurs de la loterie vient à terme en fin d’année. La plupart des observateurs politiques estiment que M. Suharto ne s’opposera pas à la reconduction de ce mandat, à moins que les pressions ne s’intensifient d’ici là. Mais un recul de sa part dans ce domaine encouragerait sans doute les partisans d’un Etat islamique à faire de la surenchère.