Eglises d'Asie

LETTRE PASTORALE DES EVEQUES DE COREE Pour créer une nouvelle culture de respect de la vie humaine

Publié le 18/03/2010




“Guerre à la criminalité”, “Promotion d’un ordre nouveau et d’une nouvelle manière de vivre”, “Protection de l’environnement”: qui donc n’approuverait ces slogans de tout son coeur? Malgré l’augmentation du nombre des croyants et des gens qui veulent vivre selon leur conscience, nous croyons que bien des choses doivent encore être changées afin que, dans la société qui est la nôtre, les hommes puissent mener une vie véritablement humaine. La raison pour laquelle nous subissons aujourd’hui tous ces désordres sociaux se trouve dans la perte du sens de l’homme, et la perte du sens de l’homme provient du renversement de l’ordre des valeurs. C’est pourquoi, à l’occasion du dimanche mondial des droits de l’homme, nous, évêques de Corée, voulons lancer un appel à tous les chrétiens et à tous les citoyens de bonne volonté, en faveur de la création d’une nouvelle culture de respect de la vie humaine.

Dignité de la vie humaine

L’homme est ce qu’il y a de plus important en ce monde. Créé à l’image de Dieu, l’homme est capable de connaître et d’aimer son Créateur; il a été établi par le Créateur comme seigneur de toutes les créatures, pour les dominer et pour s’en servir en glorifiant Dieu (Gn 1,26; Sg 2,23; G.S. 12). Et il est dit dans le Psaume que “Dieu a établi l’homme sur l’oeuvre de ses mains et mis toutes choses sous ses pieds” (Ps 8,7).

Noblesse de l’homme racheté

Dès l’instant de sa création, l’homme a reçu non seulement la vie naturelle, mais encore la vie surnaturelle qui est participation à la vie divine; il a été appelé à jouir, en compagnie de Dieu, de la vie éternelle et du bonheur parfait. Bien qu’il ait péché en faisant mauvais usage de sa liberté et en désobéissant à Dieu, Dieu n’a pas rejeté l’homme dans l’ombre de la mort. Au contraire, Dieu a voulu sauver l’homme et il est venu lui-même en ce monde en prenant un visage humain, afin de rendre à l’homme la vie et l’état de justice. “Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné, Image du Dieu invisible, (Col 1,15; 2 Cor 4,4), le Christ est l’Homme parfait qui a restauré dans la descendance d’Adam la ressemblance divine qui avait été altérée par le premier péché. Du fait qu’en assumant la nature humaine, le Christ n’a nullement abandonné sa nature divine, sa nature humaine a alors été élevée à la dignité divine” (G.S. 22).

L’homme à la ressemblance du Christ

En s’immolant lui-même, le Christ, agneau innocent, a rendu la vie à l’homme; et dans le Christ, Dieu a réconcilié les hommes avec lui-même et entre eux (2 Cor 5,18-19; Col 1, 20-22).

“Devenu conforme à l’image du Fils, c’est tout l’homme qui est intérieurement renouvelé, dans l’attente de la rédemption du corps par le don de l’Esprit. Et, finalement, l’Esprit de Dieu, qui a ressuscité Jésus d’entre les morts et qui réside en nous, rendra aussi la vie à nos corps mortels” (Rm 8,11; G.S. 22).

Inviolabilité du droit à la vie

Ainsi créé et sauvé par Dieu, l’homme possède une dignité, un caractère sacré et inviolable qui lui sont garantis par Dieu lui-même; et parmi les droits de l’homme, c’est le droit à la vie qui est le plus fondamental. Sans reconnaissance du droit à la vie, aucun autre droit ne saurait être réellement garanti.

La situation présente

Mais actuellement, le droit de l’homme à la vie est ignoré et violé partout dans le monde. En Corée également, conséquence d’une politique qui donne toute la priorité à l’économie, et résultat de la montée du matérialisme, c’est un fait que la dignité de la vie humaine est actuellement bafouée de diverses manières. C’est pourquoi, nous, évêques, venons rappeler la noblesse de la vie humaine, mettre en garde contre les diverses formes d’assassinat qui sont monnaie courante dans notre société, et lancer un appel pour des efforts communs en faveur de la restauration du “sens de l’homme”.

L’avortement est un assassinat

Selon notre code pénal, le crime d’assassinat est passible de l’emprisonnement à vie ou de la peine capitale, tandis que “le crime d’avortement” n’est passible que d’une peine ne dépassant pas un an de prison, ou d’une peine ne dépassant pas 10 000 won (soit 75 FF) (art. 269); autant dire que l’Etat n’a aucune intention de faire respecter la loi interdisant l’avortement. D’autre part, la “loi concernant la santé de la mère et de l’enfant” autorise largement l’avortement pour raisons eugéniques et, en conséquence, la majorité des citoyens utilise l’avortement comme moyen de planification familiale et cela, sans aucun sentiment de culpabilité. Chaque année, environ 2 millions d’enfants non encore nés sont ainsi assassinés en Corée, dit-on. De plus, en raison de la fréquence des avortements, la santé des femmes coréennes est extrêmement menacée. L’avortement est, de toute évidence, un assassinat. Nous croyons qu’il est aussi la cause de ce climat qui fait que la vie est traitée avec tant de légèreté dans notre société.

Le suicide est aussi un assassinat

Il existe des jeunes qui recourent au suicide parce que, n’arrivant pas à surmonter l’inquiétude, l’anxiété et la souffrance qu’ils subissent en raison des complications de la société moderne, ils tombent dans le désespoir. Il existe des adultes qui se suicident parce qu’ils ne trouvent pas leur place dans les changements sociaux, ou parce qu’ils ne supportent plus leur extrême pauvreté. Il en est encore qui, non seulement projettent froidement de se suicider, mais encore se suicident effectivement, lorsqu’ils ne réussissent pas à faire passer leur idées. Quelles que soient les raisons invoquées, le suicide est manifestement un péché, un outrage à la souveraineté de Dieu, maître de la vie.

L’euthanasie est aussi une violation de la souveraineté de Dieu

Penser comme le font beaucoup d’hommes aujourd’hui, qu’il vaut mieux “aider à mourir” sans souffrance que maintenir en vie dans la souffrance un homme qui, de toute façon, est destiné à la mort, c’est aussi aller à l’encontre de la souveraineté de Dieu. Autant il est bon et louable d’alléger les souffrances d’un homme en train de mourir, autant supprimer directement la vie sous prétexte de ne pas prolonger la souffrance est un acte qui ne saurait se justifier. En effet, seul Dieu est maître de la vie.

Les mutilations corporelles intentionnelles sont un péché

Mutiler le corps des autres est un péché; se mutiler soi-même est également un péché. De même que les coups et la torture sont des crimes, de même se faire stériliser, ou bien se faire mutiler en vue d’éviter le service militaire, sont des péchés; et le personnel médical qui pratique ces mutilations commet les mêmes péchés. Par ailleurs, à la suite des progrès de la civilisation moderne, on se sert de plus en plus de moyens de production ou de communication, qui, pour être pratiques, n’en sont pas moins dangereux. Les émissions polluantes des usines, la conduite en état d’ivresse, la conduite anarchique ou les excès de vitesse, qui sont la cause évidente de bien des accidents de la circulation, sont sans doute des violations de la loi; mais bien avant cela, ce sont des actes qui, du fait qu’ils mettent des vies en danger, sont répréhensibles au niveau de la conscience.

La “priorité à l’économie” favorise le climat de mépris de la vie

Le climat de mépris de la vie a son origine dans la conception matérialiste de la vie, qui veut qu’on préfère les choses aux hommes, et les richesses à la vie. L’idée de vouloir contrôler la population ou planifier la famille vient de ce que l’on considère la nourriture comme plus importante que la vie elle-même. Cette idée se résume en ceci: afin que ceux qui sont déjà nés puissent vivre dans une plus grande abondance matérielle, cessons donc de donner la vie. Et pour ce qui est du choix de la méthode pour ne pas donner la vie, au lieu d’utiliser les méthodes naturelles de périodicité qui exigent une certaine maîtrise de soi, on se laisse aller à utiliser des moyens tels que des instruments, des produits chimiques ou la stérilisation, moyens pratiques sans doute, mais qui violent la nature; et finalement, on a recours à l’avortement, qui n’est rien de moins qu’un assassinat, mais qu’on présente comme le moyen le plus efficace pour contrôler la croissance de la population.

Le gouvernement doit revenir à la raison

En ce qui concerne la dignité humaine, les dirigeants de la nation doivent, les premiers, par leurs actes, montrer de quoi il s’agit. “Guerre à la criminalité”, “ordre nouveau et nouvelle manière de vivre”, “protection de l’environnement”, proclame-t-on, entre autres choses. Mais pour que ces campagnes produisent des résultats concrets, il faut que le gouvernement et le public commencent, l’un et l’autre, par être réellement convaincus de la dignité de la vie humaine. Il faut qu’ils soient disposés à respecter et à aimer la vie humaine plus que toute chose en ce monde, et cela depuis le premier instant de la conception jusqu’à l’instant de la mort. En tout premier lieu, le gouvernement doit suspendre immédiatement ses programmes inconsidérés de planification des naissances, ne serait-ce qu’à la lumière de ce qui se passe dans les pays développés, qui se plaignent déjà de la diminution de leur population. Ensuite, il faut que le gouvernement rende plus sévère la loi réprimant l’avortement et applique cette loi sérieusement. En effet, c’est bien le gouvernement qui, sous prétexte de planification familiale, a donné son consentement tacite à la multiplication illimitée des avortements, et c’est bien lui qui, en pratique, a crée ce climat de mépris de la vie humaine. Puisque la raison d’être de l’Etat est de protéger la vie et les bien de la population, la vie doit être protégée de préférence aux biens matériels, et, plus une vie est faible, plus elle doit être protégée par l’Etat. Les handicapés doivent être protégés de préférence aux bien portants, et les enfants non encore nés, du fait de leur état encore plus précaire que celui des handicapés, doivent être protégés en toute priorité, et d’une manière effective. Il est de notoriété publique que, sous prétexte de développement économique, la pratique de l’avortement a été jusqu’à présent approuvée implicitement, sinon encouragée positivement; il importe que cette pratique soit désormais interdite et cette interdiction inscrite dans la législation; c’est ainsi qu’il deviendra possible de remédier au climat de mépris de la vie humaine et de retrouver un juste sens des valeurs.

Aux citoyens de bonne volonté

Le gouvernement aura beau lancer de nouveaux mouvements, rien ne changera sans la participation active de tous les citoyens. Pour remédier au climat de mépris de la vie humaine et restaurer la dignité de la vie, il est temps que tous les citoyens de bonne volonté entreprennent une action concertée. Même si le développement économique subit un certain ralentissement, même si les gains financiers subissent une certaine diminution, il importe de créer une culture nouvelle qui nous rende capables de nous abstenir de toute action nuisible à la vie humaine.

Il faudra que les agriculteurs cessent d’utiliser des pesticides nuisibles à la vie humaine et s’efforcent de produire des produits agricoles non pollués; il faut que les industriels s’efforcent d’enrayer la pollution et remédient aux conditions de travail qui sont dangereuses, afin de protéger activement la vie des travailleurs et de tous les citoyens. Il faut que les familles se servent des moyens naturels de régulation des naissances en cas de nécessité, mais rejettent les méthodes contraceptives artificielles; il faut surtout qu’elles respectent le droit à la vie de l’enfant dès sa conception, et acceptent toute nouvelle vie comme un don précieux de Dieu.

A tous les chrétiens

Reconnaissant que nous n’avons pas entièrement rempli notre rôle de lumière et de sel au sein de cette société dans laquelle le mépris de la vie s’est répandu partout, soyons les premiers à nous repentir. En esprit de pénitence pour nos propres péchés et pour les péchés de tout notre peuple, demandons lumière et courage au Saint-Esprit, notre guide. Avec pour armes nouvelles notre repentir, notre expiation et notre prière, en compagnie de nos proches de bonne volonté, créons une culture nouvelle qui se montre respectueuse de la vie humaine. Aux personnes et aux familles qui se mettent à l’avant-garde de ce mouvement, nous, évêques, tous ensemble, adressons la bénédiction du Seigneur.