Eglises d'Asie

En changeant la réglementation sur l’éducation privée, le gouvernement s’achemine vers la définition d’une véritable politique religieuse

Publié le 18/03/2010




Le 27 décembre 1991, le ministère de l’Education et celui de l’Intérieur ont organisé un symposium à Taipei pour les dirigeants des principales religions engagées dans l’éducation. Une centaine de leaders catholiques, protestants, bouddhistes et taoïstes y ont participé.

Dans un discours intitulé « la gestion de l’éducation religieuse », le Dr Liu Wei-ch’i, directeur du département de l’enseignement supérieur au ministère de l’Education, a révélé la décision du gouvernement de favoriser dorénavant l’ouverture d’établissements privés universitaires et l’introduction de l’enseignement religieux dans le cursus de l’enseignement supérieur pour les établissements qui le désireraient. Il a précisé que les religions devraient être enseignées comme des « matières académiques » et non comme des « articles de foiDes mesures facilitant le recrutement des étudiants dans les établissements privés seront prises par le gouvernement qui accroîtra aussi son aide financière.

En contrepartie, tous les établissements scolaires privés doivent passer sous le contrôle du ministère de l’Education. Par ailleurs, les séminaires et les maisons de formation pour prêtres, pasteurs, religieux, moines, ou toute personne destinée à propager une religion, seront placés sous la responsabilité directe du ministère de l’Intérieur qui surveillera et contrôlera leur enseignement. Selon le Dr Liu Wei-ch’i, un « projet sur l’établissement d’écoles privées » devrait voir le jour dans le courant de l’année 1992, et concrétiserait les propositions gouvernementales.

Deux raisons principales ont été mises en avant pour ce changement de politique du gouvernement de Taiwan. La première a été longuement expliquée par le ministre de l’Intérieur lui-même, M. Wu Po-hsiung, dans son discours d’ouverture. La Constitution de la République de Chine met l’accent, a-t-il déclaré, sur la liberté de religion, et le gouvernement n’intervient pas en matière religieuse. Cependant, continue-t-il, alors que la société taiwanaise devient plus prospère et matérialiste, « la reconstruction spirituelle du peuplen’a pas suivi le mouvement, si bien que « le peuple ne respecte pas la loiet que l’obsession de l’argent a amené une « dégénérescence de la sociétéM. Wu exprime donc l’espoir que l’enseignement des religions aidera à « purifier les coeurs

La seconde raison pour ce changement de politique est mise en avant par le ministère de l’Education: il faut impérativement augmenter le nombre de diplômés de l’université si l’on veut être en mesure de répondre aux besoins d’une société moderne. Par conséquent, puisque le gouvernement ne peut tout faire, il faut faciliter l’établissement de collèges et universités privés.

Cette nouvelle politique du gouvernement de Taiwan est en rupture avec celle définie en 1927 par le Kouomintang, qui avait interdit l’enseignement religieux dans toutes les écoles et universités reconnues par le ministère de l’Education. Il faut noter que la permission d’enseigner les religions à l’université est un progrès certain. Cependant, le gouvernement taiwanais ne fait pas mystère non plus de sa volonté de mettre les religions au service de ses objectifs déclarés de cohésion sociale et de compétitivité économique. Le fait que les séminaires et les centres de formation religieuse soient placés sous le contrôle direct du ministère de l’Intérieur est sans doute significatif de cette volonté gouvernementale.