Eglises d'Asie

La formation éventuelle d’un bloc islamique en Asie centrale et méridionale inquiète les Américains

Publié le 18/03/2010




La guerre du Golfe et l’écroulement de l’ex-URSS, événements principaux de l’année 1991, sont en train de transformer profondément, a posteriori, le point de vue des autorités américaines sur les mouvements fondamentalistes musulmans en Asie centrale, au Pakistan et en Afghanistan. Elles éprouvent aujourd’hui une certaine appréhension à propos de la formation éventuelle d’un bloc islamique dans cette région. L’inquiétude américaine est d’autant plus aiguë que ce “bloc” posséderait un arsenal nucléaire important au Pakistan et dans la république du Kazakhstan.

Quand l’URSS était encore “l’empire du Mal” et l’ennemi désigné, les stratèges américains considéraient les forces intégristes musulmanes d’Afghanistan, du Pakistan et des républiques d’Asie centrale comme des alliés potentiels, en dépit du “cliché” occidental présentant l’islam comme un élément irrationnel et imprévisible dans le domaine de la politique mondiale. C’est pour cette raison que le programme nucléaire clandestin du Pakistan dans les années 80 n’a pas provoqué de conflit sérieux entre Islamabad et Washington.

Aujourd’hui, le fait que le Kazakhstan, nouvellement indépendant, puisse devenir le premier Etat à mettre une capacité nucléaire sophistiquée au service de l’islam oblige à remettre en question l’idée que la religion musulmane est source de tracas mais non de menace majeure. Les récentes déclarations des dirigeants du Kazakhstan aux diplomates occidentaux pour expliquer leur refus de se défaire de leur arsenal nucléaire tant que les Russes conserveraient le leur ne sont pas faites pour apaiser les craintes américaines.

Les commentaires publiés par la presse à l’occasion des élections algériennes font cependant apparaître que les analystes politiques américains sont divisés sur cette question. Graham Fuller, ancien analyste de la CIA, écrivait, par exemple, dans le “Washington Post”: “Il faut démystifier le phénomène du fondamentalisme musulman et l’analyser pour ce qu’il est, c’est-à-dire un phénomène historique inévitable mais politiquement maîtrisableCe n’est pas l’avis de M. Amos Perlmutter, professeur de science politique proche des milieux gouvernementaux, qui déclare: “Le fondamentalisme islamique, sunnite ou chiite, n’est pas seulement rebelle à la démocratie, mais fondamentalement hostile et méprisant à l’égard de toute culture politique démocratique. Il n’y a aucune possibilité de réconciliation entre le fondamentalisme islamique et le monde moderne – c’est-à-dire l’univers séculier d’origine chrétienneM. Perlmutter mentionne plus précisément le Pakistan où, dit-il, “le système judiciaire a été mis en échec par les intégristes

De son côté, le sénateur Larry Pressler vient d’achever une tournée au Pakistan. Exprimant son inquiétude sur une éventuelle “bombe islamique” entre les mains de militants fondamentalistes, il a déclaré que le Pakistan pourrait devenir le centre d’un nouveau bloc géostratégique incluant l’Iran, la Turquie, l’Afghanistan et les républiques d’Asie centrale ex-soviétiques.

Les remarques du sénateur américain ont provoqué de très vives réactions au Pakistan. Les partisans d’une république islamique y ont trouvé une preuve de plus de l’hostilité américaine vis-à-vis de l’islam. Les “libéraux” pakistanais estiment de leur côté que les craintes américaines ne sont pas fondées. Asif Ali, ministre des Affaires économiques a déclaré par exemple: “Il est insensé de parler d’un renouveau islamique en Asie centrale. Les républiques de cette région ne s’intéressent pas à l’islam. Ce sont des peuples ‘éclairés’, qui ne reviendront pas sur leur choix d’un système démocratique et séculier d’économie libérale

“M. Asif Ali pourrait avoir raison à court terme, commente le “Far Eastern Economic Review” de Hongkong, mais il n’empêche que beaucoup de musulmans militants sont convaincus que les jours de l’élite libérale au pouvoir dans cette région du monde sont comptés et que, tôt ou tard, l’islam apparaîtra à ces peuples comme le seul facteur d’unité contre un ordre mondial qu’ils perçoivent comme défavorable”.