Eglises d'Asie

Boat-people de Hongkong: affrontement tragique dans la nuit du nouvel an lunaire

Publié le 18/03/2010




Le 8 février, à l’hôpital Tuen Mun de Hongkong, on enregistrait la mort d’un jeune Vietnamien de 18 ans, brûlé au dernier degré. C’était le 23ème décès survenu à la suite des incidents tragiques de la nuit du nouvel an lunaire (du 3 au 4 février 1992) dans le camp de Sekkong. Cette nuit-là, un affrontement brutal a opposé deux groupes de réfugiés. La bagarre s’est terminée par l’incendie d’un baraquement où de nombreux Vietnamiens, hommes, femmes et enfants, se sont trouvés bloqués. 17 ont été retrouvés carbonisés, parmi lesquels quatre enfants. Six autres sont morts dans les heures et les jours qui ont suivi.

Le bilan risque de s’alourdir encore. Il reste en effet plusieurs blessés dans un état critique parmi la centaine de réfugiés en traitement. Pourtant les services hospitaliers semblent pressés de s’en débarrasser puisque, quelques heures à peine après l’incendie, ils ont renvoyé vers le camp 14 blessés qui étaient encore dans un tel état que la police du camp s’est vue obligée de les reconduire en ambulance à l’hôpital.

Les enquêteurs essaient de reconstituer, sans trop y parvenir, le déroulement des événements de cette tragique nuit et les motifs de ce terrible affrontement à l’intérieur d’un camp pourtant directement administré par la police. Il y aurait eu dans la nuit du lundi au mardi deux séries d’incidents, séparés les uns des autres par un laps de temps de cinq heures durant lesquelles le calme a régné. Selon le South China Morning Post (20), la police serait intervenue une première fois à 6 heures de l’après-midi dans la section C alors qu’une bagarre opposait une trentaine de réfugiés, dont certains étaient armés. Vers 11 heures du soir, des centaines de Vietnamiens du Sud venant de la section D pénétraient dans la section C et s’en prenaient à ses pensionnaires, tous des Nord-Vietnamiens. La police se serait alors retirée et ne serait revenue en force que 45 minutes plus tard en lançant une trentaine de grenades lacrimogènes. C’est pendant ce deuxième affrontement que s’est produit l’incendie meurtrier dans un baraquement de la section C.

La première bagarre a été provoquée par une dispute à propos de l’occupation d’une salle d’eau. Ce premier incident a réveillé l’animosité latente entre les pensionnaires de la section D, originaires du Sud, opposés au rapatriement forcé, et ceux de la section C, originaires du Nord et candidats pour la plupart au rapatriement volontaire. Les morts appartiennent tous à cette dernière section. A cette animosité, il faut sans doute ajouter l’atmosphère sordide qui règne dans cet ancien aérodrome, transformé en camp de détention cerné d’une double enceinte de barbelés de 6 mètres de haut, surveillé par des miradors et administré directement par la police (21).

Avant les événements, le camp abritait 9 415 demandeurs d’asile. Les 2 600 Nord-Vietnamiens qui y habitaient viennent d’être transférés dans le camp de Hei Ling Chau. Il n’y a actuellement que 6 793 Sud-Vietnamiens dans ce camp. Aucun n’a encore été soumis à la procédure du “screening”. Les événements qui viennent de s’y dérouler témoignent de la tension insoutenable qui y règne. Elle a encore été intensifiée par les accords du 29 octobre 1991 qui n’offrent plus qu’une seule perspective aux demandeurs d’asile vietnamiens non acceptés comme réfugiés politiques: le rapatriement.

Tandis que le désespoir pousse les réfugiés à des actes quelquefois irréparables, l’optimisme règne au contraire dans les milieux dirigeants de Hongkong et de Grande-Bretagne. La population des camps de Hongkong qui atteignait plus de 63 000 au moment des accords du 29 octobre 1991, n’était plus estimée qu’à 54 402 au début du mois de février 1992. Les conditions draconiennes imposées aux demandeurs d’asile par les récents accords et la brutalité des deux rapatriements forcés de novembre et de décembre 1991 ont, semble-t-il, obtenu l’effet dissuasif que l’on escomptait d’eux. Au mois d’octobre 1991, 492 demandeurs d’asile avaient abordé les côtes de Hongkong. Il n’y en a eu que 7 au mois de novembre, alors que pour la même période, on enregistrait 1 693 départs, en majorité des rapatriements volontaires. La même tendance s’est maintenue jusqu’au mois de février 1992. Au mois de décembre 1991, il n’y a eu que 38 arrivées pour près de 1300 départs (22).