Eglises d'Asie

Madhya Pradesh: sur fond de nationalisme indien, les hindouistes du BJP veulent « re-convertir » les aborigènes chrétiens

Publié le 18/03/2010




Le 17 mars 1992, le Bharathiya Janata Party (BJP ou « Parti du peuple hindou ») qui détient le pouvoir dans l’Etat du Madhya Pradesh, a organisé, dans la ville de Raigarh, une conférence destinée à encourager les chrétiens aborigènes à se « re-convertir » à l’hindouisme. Son objectif était de « ramener » au sein de la famille hindoue quelque quatre mille chrétiens qui n’en ont jamais fait partie.

Cette initiative du vice-président du BJP, M. Dilip Singh Judeo, est destinée à contrecarrer l’action des missionnaires chrétiens. Au cours des dernières années, ceux-ci ont en effet accueilli dans l’Eglise de nombreux aborigènes, de la région de Chattishgarh en particulier. M. Judeo pense que si l’on ne met pas un frein à leurs activités, ils risquent d’attirer à eux tous les aborigènes de l’Etat.

A cette tentative de « re-conversion » participent plusieurs organisations d’extrême-droite, dont le « Comité aborigène panindien » (CAP) qui a établi son quartier général dans la ville à forte présence chrétienne de Jashpurnagar, du district de Raigarh. Déjà des heurts violents ont éclaté, qui opposent aborigènes chrétiens et non chrétiens.

Officiellement, le gouvernement de l’Etat n’est pas mêlé à ces activités de « re-conversion ». Mais le premier ministre, M. Sundarlal Patwa, est bien connu pour son opposition active aux missionnaires chrétiens. Le BJP jouit de son approbation au moins tacite. Le 11 avril 1990, il dénonçait devant le « Conseil pour l’intégration nationale » (4) « le prosélytisme néfaste des missionnaires étrangers dans le pays. Ils ne se contentent pas d’apporter un simple changement dans les habitudes religieuses, dit-il: les conversions qu’ils provoquent détruisent le loyalisme de la population à l’égard de la nation ». Il accusait aussi les organisations d’aide sociale d’utiliser les fonds reçus de l’étranger pour « fomenter le désordre et créer des divisions ». De plus, il recommandait au gouvernement de limiter à six mois la présence des étrangers en Madhya Pradesh.

De son côté, le gouvernement de l’Etat exerce de très fortes pressions sur les missionnaires. Des procédures d’expulsion ont été lancées contre plusieurs évêques, originaires du Kerala, travaillant en milieu aborigène, dans des régions où la présence missionnaire existe depuis plus de cinquante ans.

Devant la menace représentée par ce programme de « re-conversion », l’Association des chrétiens du Madhya Pradesh (Madhya Pradesh Christian Association: MCPA) a fait appel au président indien, M. Venkataraman, et lui a demandé d’intervenir afin que soient protégés les droits de la minorité chrétienne. Celle-ci se sent extrêmement vulnérable devant les agissements du BJP. « Le gouvernement BJP agit indirectement, mais de manière très efficace, comme catalyseur, en favorisant les activités ségrégationnistes du CAP. Et ceci en particulier par le truchement de M. Judeo dont les sentiments à l’égard des autres religions et des minorités sont bien connus », dit Mme Indira Iyengar, présidente de la MPCA. Elle accuse de plus le gouvernement de l’Etat d’utiliser la machine administrative et les fonds publics dans le but de convertir les aborigènes à l’hindouisme.

Un commentateur note que le terme « re-conversion » ou l’expression « retour à l’hindouisme » ne saurait correspondre à la réalité lorsqu’il s’agit des aborigènes du Madhya Pradesh, du Bihar, de l’Orissa et d’autres régions de l’Inde. Ces tribus, en effet, n’ont jamais été vraiment hindouisées: elle étaient ou sont encore animistes.

Le diocèse de Raigarh compte plus de 200 000 catholiques sur une population d’environ 1 700 000 habitants.