Eglises d'Asie

La Chine s’inquiète du renouveau bouddhiste en Mongolie

Publié le 18/03/2010




Le renouveau du bouddhisme en Mongolie est spectaculaire. 70 ans de régime stalinien avaient réduit le bouddhisme mongol à quelques temples et une poignée de moines. Il renaît aujourd’hui plus vivace que jamais. C’est ainsi que Kushok Bakula, ambassadeur de l’Inde dans ce pays, reçoit, le samedi, en sa qualité de “bouddha vivant”, 20ème incarnation du sage bouddhiste Bakula Arhat, beaucoup plus de visiteurs qu’il n’en accueille pendant le reste de la semaine lorsqu’il exerce ses fonctions de diplomate. Les fidèles viennent à lui de tout le pays pour recevoir sa bénédiction, en quête de ses conseils sur des sujets variés allant de la médecine homéopathique à la construction de temples et de monastères.

Traditionnellement, le bouddhisme de Mongolie est lié à celui du Tibet et au Dalaï Lama. La vénération dont celui-ci jouit dans la population mongole a encore été mise en évidence lors de sa visite à Oulan-Bator en septembre 1991: 700 000 personnes ont convergé vers la ville pour lui faire un triomphe. Pékin avait alors protesté d’autant plus énergiquement que le président Chinois Yang Shangkun avait été reçu lui aussi, un mois auparavant, dans la capitale mongole et croyait avoir obtenu l’assurance que la visite du Dalaï Lama serait annulée. Les autorités chinoises craignent que cette “pollution spirituelle” ne parvienne jusqu’à la Mongolie intérieure chinoise et que le gouvernement d’Oulan-Bator ne soit entraîné à soutenir la cause de l’indépendance tibétaine.

La plupart des observateurs estiment pourtant que les inquiétudes de Pékin ne sont pas justifiées: le fait que les bouddhistes mongols considèrent le Dalaï Lama comme leur chef spirituel ne se traduira pas forcément, disent-ils, par une solidarité avec la cause politique de l’indépendance tibétaine. Par ailleurs, les lamas d’Oulan-Bator ne considèrent pas automatiquement Pékin comme un ennemi de la religion. D’après M. Ravdangiin Bold, du centre mongol des études stratégiques, la Mongolie a autant de raisons d’avoir peur de l'”infiltration religieuse” chinoise que l’inverse.

Quelques lamas s’intéressent en effet à la Mongolie intérieure sous domination chinoise. Ils estiment qu’ils ont beaucoup à apprendre des établissements religieux de cette région qui ont gardé des traditions aujourd’hui disparues en Mongolie, plus particulièrement dans le domaine de la discipline monastique. L’abbé du monastère de Taschischoeling, à Oulan-Bator, parle même du “transfert de technologie spirituelle” qui serait souhaitable.

La 9ème réincarnation de Jebtsundamba Khutuktu, chef de la hiérarchie bouddhiste dans la Mongolie d’avant le stalinisme, a été officiellement reconnue par le Dalaï Lama en la personne d’un Tibétain vivant en Inde et âgé d’une soixantaine d’années. Pour l’instant, celui-ci ne semble pas pressé de venir à Oulan-Bator, ce qui semble arranger les autorités mongoles et surtout chinoises.

Ces dernières ont été quelque peu rassurées lorsqu’une proposition de loi, présentée en janvier 1992, a été finalement rejetée de justesse par le parlement. Elle aurait fait du bouddhisme la religion d’Etat. Même M. Kushok Bakula pense que l’adoption de cette loi aurait été une erreur. Il estime cependant qu’on pourrait reconnaître le bouddhisme comme la religion la plus importante du pays.