Eglises d'Asie

Vers une légalisation des mariages entre musulmans et personnes d’une autre religion

Publié le 18/03/2010




Les mariages de musulmans avec des personnes d’une autre religion étaient officiellement interdits jusqu’à présent. Il fallait impérativement que la partie non musulmane se convertisse à l’islam. En fait, il existait une manière de tourner la difficulté en célébrant le mariage, en privé, dans les deux religions puis en le faisant enregistrer par les autorités civiles. Certains couples se contentaient même du mariage civil. Cette dernière option a été rendue impossible en 1986 quand le gouvernement a donné aux autorités religieuses la haute main sur les mariages. Le ministre des Affaires religieuses, Munawir Szadjali, prétend que cette possibilité du mariage civil n’existant plus, beaucoup de couples vivent “dans une espèce d’union libre

En janvier 1992, le ministre a provoqué une controverse très vive en déclarant aux journalistes que le gouvernement essayait de trouver un moyen de légaliser les mariages mixtes musulmans de façon à diminuer le nombre de “couples vivant dans le péché”. Les médias ont répercuté l’information et le débat est devenu national; il est particulièrement vif dans les milieux islamiques. La rumeur publique prétend que la nouvelle loi est surtout nécessaire au fils du président Suharto qui voudrait se marier avec une chanteuse de religion protestante dont les parents refusent qu’elle se convertisse à l’islam.

Un certain nombre de raisons expliquent la vigueur du débat sur cette question. Celle-ci s’inscrit en effet dans des réalités sociales et politiques dont certaines sont propres à l’Indonésie. Les migrations internes vers les villes ont causé de nombreux rapprochements entre divers groupes ethniques, et les mariages mixtes soulèvent des questions de fond concernant les appartenances familiales, les convictions religieuses et les relations entre hommes et femmes dans la société indonésienne. Le débat illustre aussi la difficulté d’harmoniser la liberté individuelle et l’autorité de l’Etat dans le régime de l'”Ordre nouveau” indonésien fondé sur l’unité dans la diversité et la croyance en un seul Dieu, deux des cinq principes de l’idéologie nationale “Pancasila”. L’accent a été mis sur le fait que l’harmonie sociale commence dans la famille et que l’éducation religieuse d’un enfant n’est pas une affaire privée mais la clé de la survie de la nation.

Par ailleurs, l’opposition à une éventuelle légalisation des mariages mixtes pour les musulmans s’enracine souvent chez certains dans une crainte viscérale de la christianisation et de la sécularisation. Du point de vue politique, cette dernière question est particulièrement brûlante, au point que le Bureau central des statistiques refuse de divulguer les résultats du recensement de 1990 concernant les effectifs réels des cinq religions légalement reconnues. On sait seulement qu’en 1980, les musulmans étaient 87,5% de la population alors qu’ils étaient encore 95% en 1955.

M. Abdurrahman Wahid, président de “Nahdlatul Ulama” (8), estime quant à lui que “la majorité silencieuse” des musulmans serait prête à approuver la légalisation des mariages mixtes: “selon moi, on ne peut pas dire que ceux qui se marient à des non-musulmans perdent le droit d’être musulmansdéclare-t-il. Il ajoute que l’islam distingue les mariages “valides” des mariages “imparfaits”. Il suggère que les mariages mixtes soient interprétés comme des mariages “imparfaits”, mais valides.