Eglises d'Asie

L’affaire de la mosquée d’Ayodhya revient sur le devant de la scène

Publié le 18/03/2010




Depuis quelques semaines, la presse indienne a recommencé à parler de l’affaire du temple d’Ayodhya. Cette querelle entre musulmans et hindous dure depuis plusieurs années et elle a déjà fait plus d’un millier de morts (11). A l’emplacement du lieu de naissance supposé du roi divinisé Rama, s’élève depuis plus de quatre cents ans une mosquée dont les hindous aimeraient se débarrasser afin de « rebâtir » à la place un temple dédié à leur dieu.

Un arrêt de la Haute Cour de l’Uttar Pradesh avait ordonné que les choses restent en l’état, en attendant qu’une solution négociée puisse être trouvée. Mais les dernières élections ont donné le pouvoir, dans la province, au parti hindouiste d’extrême-droite BJP (« Bharatiya Janata Party »). Ces derniers mois, avec la connivence du gouvernement local, les militants du Comité mondial de l’hindouisme – Vishwa Hindu Parishad (VHP)-, organisation fondamentaliste, ont construit un mur autour d’un terrain de plusieurs hectares, enfermant pratiquement la mosquée dans son périmètre. Officiellement dans le but de préparer le terrain pour un parc d’attractions touristiques, le gouvernement procédait alors à des travaux de nivellement, détruisant par la même occasion au moins deux petits temples hindous ainsi que plusieurs autres bâtiments.

Après un dialogue-marathon entre les leaders du VHP et du département de tourisme de l’Etat, l’action a été ensuite menée rondement. Le secrétaire général du VHP, M. Ashok Singhal, aurait clairement indiqué que ces travaux signifiaient le début du processus de construction du temple dédié à Rama.

Cette action a été condamnée par un grand nombre de personnalités indiennes. Entre autres, M. Dariji Gupta, maire de Lucknow, la capitale de l’Uttar Pradesh, accuse le gouvernement BJP d’avoir « profané la culture et la religion hindoues ». De son côté, un avocat musulman, M. Abdul Mannan, se plaint de ce que « un mur solide entoure toute la propriété disputée, y compris la mosquée ». Il affirme que le gouvernement n’a d’autre intention que de détruire celle-ci, tout en empêchant les musulmans d’y accéder. Pendant ce temps, à Delhi, le 23 mars 1992, le ministre de l’Intérieur du gouvernement fédéral, M. S.B. Chavan, menace d’appliquer l’article 356 de la constitution et de démettre le gouvernement de l’Uttar Pradesh.

Un leader de la Ligue musulmane, M. Ebrahim Suleiman Sait, rappelle à son tour que la construction du mur doit être interprétée comme le début des travaux pour le temple de Rama. A quoi le leader du BJP au sénat, M. Sikander Bakht, répond que l’électorat de l’Uttar Pradesh a, lors des récentes élections, donné mandat à son parti pour bâtir ce temple. M. Kalyan Singh, premier ministre de l’Etat, se dit prêt à mettre sa démission dans la balance plutôt que de revenir en arrière: « Le gouvernement s’est engagé à construire ce temple », dit-il. Ce qui est confirmé par M. L.J. Advani, leader du BJP à l’Assemblée nationale.

Le quotidien « Times of India », dans son éditorial du 20 avril 1992, commente: « Jusque-là, le gouvernement de l’Uttar Pradesh ne parlait que de parc d’attractions et de tourisme. Il a maintenant dévoilé son intention réelle en bâtissant autour du terrain un mur dont l’architecture annonce sans qu’il y ait le moindre doute la future construction d’un temple ». Et de citer, en réponse à une question sur la légalité du projet, la réflexion du député BJP de Faisabad, M. Vinay Katiyar: « Le pouvoir est la seule loi que je reconnaisse ».

Le 7 avril 1992, une délégation de la Commission nationale pour l’intégration (CNI) s’est rendue à Ayodhya. Aucun membre du BJP n’en faisait partie. Au cours de leur visite, les 35 délégués n’ont pu avoir accès aux documents concernant le terrain et le mur: le gouvernement de l’Etat a seulement promis de les faire parvenir à Delhi. Ils ont bien constaté la destruction de deux temples hindous sur le terrain nouvellement nivelé. Par ailleurs, un responsable musulman, M. Shahabuddin, s’est plaint de ce qu’un cimetière islamique établi autour de la mosquée, avait lui aussi disparu.

Huit jours avant la visite de la délégation de la CNI à Faisabad, centre administratif du district auquel appartient Ayodhya, des dégâts importants avaient été provoqués dans une autre mosquée de la ville par l’explosion d’une bombe.