Eglises d'Asie

Une chrétienté hmong, 40 ans après le départ des missionnaires

Publié le 18/03/2010




Cette année encore, malgré ses 71 ans, Tran Thi Van, a parcouru plus de 200 kilomètres, par des chemins de montagne d’abord, puis le long du fleuve rouge, afin de participer aux cérémonies du triduum pascal, dans l’église de Yên Bai. Voilà près de 40 ans que, chaque année à la même époque, cette chrétienne hmong quitte ainsi son village situé dans la chaîne montagneuse de Hoàng Liên Son, près de la station d’altitude de Sa Pa (21) (ancien Cha-Pa) non loin du pic Fan Si Pan, 3 143 m, la seule montagne régulièrement enneigée en hiver, au Vietnam. Dans le village habité par la minorité hmong dont elle fait partie, c’est elle qui a accompli ce trajet avec le plus de régularité depuis 1954, date à laquelle le dernier missionnaire français s’en est allé.

Depuis cette époque, les 4 à 5 000 Hmongs de la région, convertis au catholicisme dans la première moitié du siècle, ont eu très peu de contacts avec les représentants officiels de l’Eglise. Selon l’institutrice du pays, ils n’auraient accueilli qu’une fois la visite d’un prêtre. Le diocèse de Hung Hoa où se trouve cette chrétienté souffre actuellement d’une grande pénurie de prêtres en raison des mesures gouvernementales limitant les ordinations sacerdotales. Ils ne sont en tout que 10, la plupart très âgés, au service de plus de 14 000 fidèles. Leurs déplacements sont, par ailleurs, très contrôlés. L’évêque, Mgr Joseph Nguyên Phung Hiêu, tout récemment nommé, est, quant à lui, immobilisé par une très grave maladie.

Cependant, sauf l’eucharistie et la confession qu’ils n’ont pu évidemment recevoir, les chrétiens hmongs de la région ont gardé avec fidélité toutes leurs autres obligations religieuses. Ils baptisent eux-mêmes leurs enfants qu’ils prénomment avec simplicité. Tous les hommes du village s’appellent Joseph et les femmes, Marie. Les réunions de prière ont lieu régulièrement dans les maisons privées ou dans celle du chef de clan.

L’église de Sa Pa existe toujours, mais elle est, aujourd’hui, en ruines. Tout près d’elle, deux tombes, l’une en ciment, l’autre en terre, surmontée d’une croix de bois, perpétuent le souvenir des deux prêtres qui ont apporté l’évangile aux Hmongs et qui vivaient auprès du sanctuaire. Aujourd’hui, encore, les tombes sont soigneusement entretenues.

Les Hmongs sont trop pauvres pour rebâtir leur église. Leur principale source de revenus est la culture du pavot qui est, en principe, illégale; mais les interdictions du gouvernement perdent de leur efficacité dans des lieux si reculés. La vieille dame de 71 ans qui a confié au représentant de l’AFP au Vietnam l’histoire de cette chrétienté hmong oubliée, lui a aussi recommandé: « Surtout, dites à la France et à Rome que notre plus cher désir est de voir notre église reconstruite ».