Eglises d'Asie

Une nouvelle génération de prêtres militants: les défenseurs de l’environnement

Publié le 18/03/2010




Les problèmes écologiques sont devenus de plus en plus cruciaux aux Philippines ces dernières années, particulièrement dans le domaine de la déforestation. Il était donc inévitable que de nombreux jeunes prêtres s’engagent dans ces luttes populaires destinées à préserver les ressources naturelles du pays.

Le clergé catholique des Philippines a derrière lui une longue histoire d’engagement militant dans les luttes sociales et politiques des dernières décennies. Des prêtres étaient en première ligne au temps de Marcos pour la défense des droits de l’homme. Quand la loi martiale fut proclamée en 1972, un petit nombre d’entre eux partit dans les collines rejoindre les forces clandestines de l’Armée du peuple nouveau. Plus tard, en 1986, ils furent aussi très nombreux dans la mouvance du “Pouvoir populaire” qui amena Mme Aquino à la tête de l’Etat.

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes prêtres parlent en même temps de religion et de nature. Ils disent que le rôle de l’Eglise est de monter en première ligne dans la bataille pour l’environnement: ils demandent en particulier qu’on arrête la déforestation massive qui frappe certaines régions. La hiérarchie de l’Eglise catholique n’est pas insensible à leurs revendications: en janvier 1988, la Conférence épiscopale des Philippines a publié une lettre pastorale, lue dans toutes les églises du pays, pour attirer l’attention du public sur “la crise grave” créée par l’exploitation sauvage des forêts et de la mer: “Notre pays est en danger, disent les évêques, les blessures infligées à l’environnement signifient une nourriture moins nutritive, une santé plus précaire, et un avenir incertain. Tout ceci ne peut qu’amener une intensification de l’agitation sociale et politiqueLa Conférence épiscopale demandait donc aux communautés chrétiennes de s’informer davantage sur les problèmes d’écologie, et de s’associer aux luttes pour la défense de l’environnement.

C’est ainsi qu’aujourd’hui le P. Gary Agcaioli est le leader le plus en vue du “Mouvement de Cagayan contre la déforestation”, très actif dans le nord de l’île de Luçon. Dans la province d’Isabela, le P. Orly Sapuay a fondé le “Mouvement pour la sauvegarde de la Sierra Madre”, la forêt vierge la plus importante de l’île de Luçon. En 1990, à Gabaldon, dans la province de Nueva Ecija, le P. Edwin Beley a organisé une barricade humaine pour stopper les camions de bois qui descendaient de la montagne. Dans l’île de Mindanao, au sud de l’archipel, les 44 prêtres du diocèse de Bukidnon ont officiellement été nommés “gardes forestiers” par le gouvernement, et chargés de veiller à ce que les exploitants et les marchands respectent la loi. Ils ont pouvoir de saisir les arbres abattus illégalement et d’arrêter les coupables. L’abattage illégal d’arbres est l’une des plaies qui frappent les forêts philippines. Chaque année, ce sont des millions de francs de matériel d’abattage et de bois qui sont saisis par la police.

L’engagement de ces prêtres dans la lutte pour la défense de l’environnement n’est pas sans danger. Deux d’entre eux ont déjà été assassinés en 1991 pour avoir tenté d’arrêter le fructueux mais illégal commerce du bois dans leur province.

La gouvernement a choisi des prêtres comme gardes forestiers “à cause de leur crédibilité et de leur forte influence sur les communautésdéclare May Gonzales du ministère des Ressources naturelles à Manille. Mgr Francisco Claver, directeur de l’Institut pour les questions sociales et ecclésiales, abonde dans le même sens: “Au début, je n’étais pas favorable à l’idée que des prêtres soient amenés à suppléer la police; mais si personne ne le fait, il faut bien trouver quelqu’un et les prêtres doivent être des leadersdéclare-t-il.

Quelques économistes locaux sont cependant très critiques de l’attitude de l’Eglise dans ce domaine. Ils disent que celle-ci combat la dégradation des ressources naturelles du pays, mais ne comprend pas que la croissance de la population est l’une des causes essentielles des problèmes d’environnement. La commission épiscopale de la famille refuse l’analyse gouvernementale selon laquelle “la croissance rapide de la population exerce une pression de plus en plus en grande sur les ressources naturelles du paysM. Germellin Bautista, un économiste spécialiste des forêts, déclare: “L’Eglise doit repenser son action dans ce domaine. Sa politique sur le contrôle des naissances reflète sa compréhension limitée de l’impact de la population sur l’environnement