Eglises d'Asie

Atteinte à la liberté religieuse chez les chrétiens des minorités ethniques

Publié le 18/03/2010




Au cours de la 11ème séance de la 8ème session de l’Assemblée nationale (24 mars au 10 avril 1992), le P.Phan Khac Tu, député à l’Assemblée nationale, a dénoncé les graves atteintes à la liberté religieuse subies par des catholiques de la province de Lai Châu. Voici les faits tels qu’ils ont été rapportés dans la plainte des victimes.

Les faits: arrestations, incarcérations et amendes

Conformément au décret n° 69 du Conseil des ministres et à la constitution, le citoyen de la République socialiste du Vietnam jouit de la liberté de croyance et de la permission d’adhérer à la religion qui convient à ses propres convictions. Nous avons conscience de n’avoir rien fait ayant porté atteinte à la ligne politique en matière sociale; or, le culte nous a été interdit par des agents de la Sûreté du village de Huôi Chàn, commune de Ang Tu, district de Tuân Giao. De plus, ils nous ont incarcérés, imposé des amendes et battus parce que nous suivions notre religion, le christianisme.

1 – Le 19 avril 1990, notre compatriote Hou A Tong a été arrêté et battu. Il est actuellement incarcéré dans la pénitencier n° 10, district de Diên Bien.

2 – Notre compatriote Hou A Sua a été mis aux fers par trois fois, et pendant 24 heures chaque fois. Trois fois, il a dû payer 40 000 piastres d’amende. Par la suite, il a encore été appelé à 4 reprises à la commune et, à chaque fois, incarcéré durant 7 jours. Il a aussi été convoqué 3 fois par les autorités du district de Tuân Giao qui, chaque fois, l’ont emprisonné pour une période d’un mois et lui ont infligé une amende de 50 000 piastres.

Sept de nos compatriotes, Ly A Sua, Hou A Lênh, Vang A Gio, Vang A Sinh, Vang A Di, Vang A Khai et Hou A Dê ont été emprisonnés durant 7 jours et condamnés à payer une amende de 50 000 piastres.

Mais le traitement le plus barbare a été infligé à huit d’entre nous. Nous avons été condamnés à verser une amende en nature. Chacun a dû fournir 30kg de porc, 50kg de riz, 2kg de poulet. Puis nous avons été obligés à rester agenouillés par terre pendant 60 minutes.

Les policiers ont dressé un faux autel. Ils y ont exposé toutes les images du Seigneur qu’ils avaient confisquées et ils nous ont forcés à prendre un repas. Ils appelaient cela la célébration des crimes du Seigneur. Après cela, ils nous ont obligés à prêter un serment de renonciation: nos yeux ne devraient plus voir, nos oreilles ne devraient plus entendre et notre bouche ne devrait plus parler.

Ce même jour, ils ont confisqué les deux magnétophones de Hou A Tông et un poste de marque « National » à 5 piles et 3 bandes, appartenant à Vang A Di. Ils nous ont menacés en nous disant que si nous récidivions en pratiquant encore la religion, nous serions exécutés. Les responsables de ces agissements sont Mr Lo Van On, adjoint au chef de la Sûreté du district, un certain nombre de cadres de la Sûreté et divers civils.

Nous présentons cette plainte aux autorités supérieures, en espérant qu’elles voudront bien juger cette affaire et lui donner une solution afin que nous puissions véritablement jouir de la liberté de croyance que la loi nous reconnaît. Pour les objets du culte, tels que les images et les statues, qui nous ont été confisqués ainsi que la viande de poulet et de porc exigée en guise d’amende, nous proposons que tout cela nous soit rendu.

Le P. Phan Khac Tu nous déclare: « C’est inacceptable pour l’opinion publique! »

Nous sommes venus interroger le P. Phan Khac Tu à ce sujet. Le prêtre, qui était très bouleversé, nous a déclaré: L’article 1 du décret 69 du conseil des ministres, daté du 21 mars 1991, comporte ceci: « L’Etat garantit la liberté de croyance et de non-croyance du citoyen. Toute discrimination pour raison de religion ou de croyance est formellement interdite ». A l’article 7, il est également déclaré: « Les fidèles ont le droit de s’adonner aux activités religieuses qui ne sont pas contraires à la ligne politique et à la législation de l’Etat. Ils ont le droit de pratiquer les rites d’offrande, de réciter des prières à l’intérieur de la famille et de participer aux activités religieuses dans les lieux de culte ».

Comme ils l’ont exposé dans leurs plaintes, nos compatriotes n’ont rien fait de contraire à la ligne politique et à la législation de l’Etat: pourquoi donc certains agents de la Sûreté du village de Huôi Chan se sont-ils livrés à des agissements aussi barbares et en infraction avec la loi ?

Comme de nombreux autres députés à l’Assemblée nationale, nous pensons que, si les choses se sont passées comme elles ont été exposées dans la plainte, il s’agit alors d’une très grave violation de la loi commise par les agents de la Sûreté du village de Huôi Chan. Elle doit être l’objet d’une lourde condamnation, afin que le respect de la loi soit garanti.

Même si nos compatriotes minoritaires avaient contrevenu à la loi de l’Etat, il n’aurait pas fallu user avec eux de mesures aussi barbares. Il aurait fallu les éduquer et les convaincre pour qu’ils prennent conscience de leur comportement erroné et des conséquences fâcheuses dont ils étaient responsables. Mais ce n’est pas le cas: nos compatriotes n’ont jamais été dans l’illégalité et n’ont jamais commis d’actes pouvant porter atteinte à la ligne politique en matière sociale.

Voici quelles sont mes propositions en ce qui concerne cette affaire:

– Il est nécessaire de lancer une enquête qui puisse aboutir à une conclusion, mettre en lumière ce qu’il y a de juste et d’erroné dans le comportement de nos compatriotes, celui des fidèles et celui des cadres de la Sûreté.

– Si des policiers du village ont véritablement commis les actes barbares dénoncés, il faut les condamner sévèrement pour que soit révélé le vrai visage de la législation de notre pays.

– Je propose aussi que les autorités de la province de Lai Chau à tous les échelons ainsi que le Front patriotiques créent des conditions favorables pour que nos compatriotes catholiques jouissent d’une vie paisible et puissent accomplir correctement le devoir qui incombe à ceux qui vénèrent le Seigneur et aiment leur patrie, à savoir « bien pratiquer leur religion et embellir la vie ».

Nous souhaitons vivement que l’attention des autorités de la province de Lai Chau se porte sur cette affaire et qu’une réponse publique soit donnée à nos interrogations.