Eglises d'Asie

Le cardinal a-t-il gagné les élections?

Publié le 18/03/2010




Tout pendant la campagne électorale et encore une fois la veille des élections, le 10 mai 1992, le cardinal Sin, archevêque de Manille, a appelé ses compatriotes à bien choisir leurs candidats. On a même dit qu’il “chuchotait” très fort en faveur de l’un d’eux, M. Ramon Mitra (9).

Dans un communiqué publié par la presse le 13 mai 1992, l’archevêque commente de façon très positive la façon dont le scrutin s’est déroulé le 11 mai. “Un pas important a été fait dans la voie de la démocratie, dit-il. Nous avons montré que nous sommes capables d’avoir de la démocratie. Nous avons montré que nous sommes capables d’avoir des élections pacifiques: à condition que chacun y mette du sien”. Il adresse ses félicitations à la Commission électorale (COMELEC) et à son président, M. Christian Monsod: “Ils ont fait preuve d’une impartialité, d’un sens de la justice et d’une fermeté admirables. Je suis vraiment heureux et je remercie le Seigneur qui a permis le succès de ces élections. Elles ont été une réussite: ceux qui avaient prévu d’utiliser les moyens traditionnels, à savoir les armes, les bandits, l’argent (10), ont vu leurs intentions contrecarrées par un électorat responsable, plus vigilant, mais aussi plus profondément engagé au service de la paix… Mais nous devons rester sur nos gardes. Nous avons exprimé nos choix: faisons de sorte que le compte (des voix) soit bien fait. Préparons-nous au passage des pouvoirs, le 30 juin 1992. L’aube d’un jour nouveau s’est levée”.

Les résultats définitifs ne seront pas connus avant plusieurs jours. Dès la fin du scrutin, cependant, plusieurs organismes privés ayant officiellement accès aux urnes ont commencé le décompte des voix. Au soir du 13 mai, alors que 14% des bulletins avaient été vérifiés, Mme Miriam Santiago semblait venir en tête, avec 21,1% des suffrages déjà comptés. Derrière elle, arrivait le candidat soutenu par Mme Aquino, M. Fidel Ramos, avec 0,5% seulement de moins. Puis venait l’ancien compagnon de M. Marcos, M. Eduardo Cojuangco, avec 17,7% des suffrages comptés. M. Mitra occupait la 6ème place, après Mme Imelda Marcos elle-même. Les observateurs estiment cependant que le décompte des voix dans les provinces rurales du pays devrait avantager les candidats qui possèdent une machine électorale puissante. Pour beaucoup il est peu probable que Mme Santiago sorte victorieuse.

Dès le soir du 12 mai 1992, elle rencontrait le cardinal Sin pour lui demander soutien et bénédiction. Elle insistait surtout pour que le “Conseil pastoral des paroisses pour des élections sérieuses” (11), continue son bon travail et surveille de très près le comptage des voix. Il est encore trop tôt pour dire si elle conservera son avance. Qu’elle soit élue ou non, elle a déjà obtenu un grand succès. Présidente d’un parti qui n’avait pas été officiellement reconnu par la COMELEC, elle se présentait pratiquement comme candidate indépendante, sans le soutien ni d’une organisation politique, ni de moyens financiers importants. Selon certains commentateurs, ce résultat montre que le peuple désirait vraiment un changement et que les élections ont été honnêtes.

Mais c’est en fait Mme Aquino elle-même qui est sortie victorieuse de ces élections. Au long de six ans de présidence, elle a déçu beaucoup de ses partisans. On lui a reproché son manque d’esprit de décision, son échec dans la lutte contre la corruption et l’insuccès de la réforme agraire promise. Elle va laisser derrière elle les mêmes problèmes qu’elle avait trouvés lors de la chute de Ferdinand Marcos: une dette extérieure s’élevant à 29 milliards de dollars américains, une pauvreté qui affecte la plus grande partie de la population et une rébellion communiste vieille maintenant de 23 ans.

Et pourtant “Cory” gardera le mérite d’avoir survécu à sept coups d’état, d’avoir aidé son pays à surmonter plusieurs désastres naturels nationaux. Elle restera surtout celle qui, avec l’aide de beaucoup de bonnes volontés et en particulier des catholiques, a réussi à organiser ces élections et à faire qu’elles se déroulent pacifiquement, pour la première fois, aux Philippines… Même si, depuis le 11 mai, plusieurs attentats à la bombe ont été à déplorer. Félicitant la COMELEC, elle demande à la police nationale et aux forces armées des Philippines de tout faire pour que la proclamation des résultats et le passage des pouvoirs se passent aux mieux.

Sur les quelque 25 millions d’électeurs inscrits, 80% ont voté: du “jamais vu” aux Philippines. Il s’agissait de pourvoir 17 282 postes, dont la présidence de la république. Se présentaient 87 770 candidats, dont 7 pour la présidence.