Eglises d'Asie

LETTRE PASTORALE DE LA CONFERENCE EPISCOPALE (1)

Publié le 18/03/2010




119 évêques ont participé à l’Assemblée générale de la Conférence épiscopale de l’Inde, à Pune, du 7 au 13 janvier 1992. Etaient présents aussi les secrétaires des commissions et autres experts. Au centre de nos préoccupations, nous avions mis la situation du pays et celle de l’Eglise.

Deux élections, les nominations successives de trois premiers ministres, la fluidité de la situation politique, l’activisme militant évident en beaucoup d’endroits et les essais entrepris par le gouvernement pour ré-orienter de façon radicale la politique économique et industrielle du pays, ont profondément affecté la vie de tous. En ce qui concerne l’Eglise, les rapports des commissions font apparaître une vitalité surprenante, mais aussi des difficultés, internes et externes. Sans aucun doute, parmi les problèmes les plus importants et les plus urgents auxquels l’Eglise doit faire face, il faut mentionner le mouvement des dalits, en particulier dans le sud du pays, l’insuffisance de nos efforts dans le combat contre la pauvreté, le chômage et l’injustice, ainsi que la nécessité d’apporter une réponse appropriée aux appels lancés par les deux encycliques “Redemptoris Missio” et “Centesimus Annus”.

Trois questions ont retenu notre attention: les dalits, les femmes, et les travailleurs non organisés. Nous y avons réfléchi dans un esprit chrétien, souvent avec angoisse.

a) La nervosité, l’agitation des dalits (2) ont été étudiées en profondeur. Certaines de leurs plaintes sont légitimes, bien qu’elles ne soient pas toutes d’égale gravité et vraisemblance. Quel qu’ait été le passé, il ne fait aucun doute que beaucoup a déjà été fait, même s’il est permis de penser qu’on n’a pas été assez loin. Nous demandons à tous de travailler ensemble à ce que justice soit faite à nos frères dalits.

Les demandes des dalits peuvent être classées en trois catégories:

1 – Celles qui se rapportent aux problèmes socio-économiques, à l’éducation, au logement, à l’emploi, etc. L’Eglise a beaucoup fait dans ces domaines. Et nous avons demandé aux autorités diocésaines et régionales de redoubler leurs efforts sur ces points particuliers, de leur donner priorité, en insistant plus particulièrement sur l’éducation. Les associations de service social, aux plans national, régional et diocésain, s’attaqueront à ces problème en priorité. Les diocèses de l’Inde leur viendront en aide, dans la mesure de leurs possibilités.

2 – Participation des dalits à l’autorité dans les structures ecclésiales: la revendication se veut urgente, mais il faut du temps. De nombreux efforts ont déjà été faits. Il reste beaucoup à faire et il ne faut pas attendre d’être parvenu à la perfection. Nous demandons à tous de travailler patiemment, dans l’unité, animés par un véritable esprit chrétien, pour parvenir à ce but. Si nous y parvenons, nous aurons résolu un aspect important de ce problème.

3 – Le respect: que tous les catholiques, évêques, prêtres, religieux, laïcs, appartenant aux castes supérieures, changent d’attitude à l’égard des dalits. Dans l’Eglise, tous sont enfants de Dieu. Notre seul orgueil réside dans cette filiation divine qui nous a été donnée au baptême. “Il n’y a pas de distinction entre Juifs et Grecs: tous ont le même Seigneur, riche envers tous ceux qui l’invoquent” (Rom 10,12). Que tous, nous le demandons en suppliant, y réfléchissent sérieusement, et, par leur changement d’attitude, construisent l’Eglise du Christ, l’unique famille de Dieu.

Beaucoup ont été troublés par la question des cimetières. Il faut dire en premier lieu que l’Eglise n’a jamais encouragé cette pratique de cimetières séparés. Cela semble exister dans l’un ou l’autre endroit, mais il s’agit de propriétés privées appartenant à des familles. Nous recommandons qu’à l’avenir l’Eglise ne participe pas à des funérailles en de tels cimetières privés lorsqu’ils excluent un groupe particulier de catholiques en raison de leur caste.

Evitons toute forme de violence et tout langage non chrétien. Il est certain que, quel que soit le bien recherché, des moyens mauvais ne peuvent que desservir cette famille d’amour qu’est l’Eglise.

Nous devons, avec une vigueur renouvelée, continuer à coopérer avec le gouvernement dans ce domaine. Nous insistons pour que, aux plans national et régional, toutes les organisations qui ont participé jusque-là à ces efforts, persévèrent et même intensifient leur action.

b) Nous avons entendu un vigoureux plaidoyer pour que disparaisse la discrimination contre les femmes(3) qui semble faire partie intégrante des structures de notre société. Nous avons dressé une liste des nombreuses formes de discrimination telles qu’elles existent dans la société et dans l’Eglise, avant même la naissance des enfants de sexe féminin. La violence contre les femmes, physique, sexuelle, psychologique, est le résultat de cette attitude inhumaine et antichrétienne.

Chaque région a décidé d’un plan d’action. Tous les projets impliquent un changement d’attitude, qui nous fera reconnaître la dignité des personnes dans la spécifité de leur sexe. Et en cela, nous sommes tous responsables: les hommes, les prêtres, en particulier par leurs homélies, les éducateurs, même au niveau de l’école primaire. On a insisté sur plusieurs points, comme l’éducation des femmes, leur alphabétisation, leur représentation adéquate dans les différents corps de l’Eglise.

Dans un premier temps, un bureau d’assistance aux femmes a été ouvert au sein de la commission compétente. On a répété à satiété la nécessité de traiter avec dignité et d’utiliser avec respect le potentiel énorme que représentent les femmes dans l’Eglise.

A propos des femmes, reprenant l’enseignement du Saint-Père, la Conférence condamne sans équivoque toute forme de violence contre les enfants à naître. Quel que soit le nom dont on l’affuble, l’avortement direct est destruction de la vie humaine et doit être condamné.

c) Les travailleurs non organisés ont été aussi l’un de nos importants sujets de discussion. Le problème avait été étudié par les commissions préparatoires à Calcutta, Bombay et Bangalore. La main d’oeuvre agricole dans les campagnes, les employés de maison, les ouvriers du bâtiment, les travailleurs immigrés des villes, forment la plus grande partie de ce groupe. Ils souffrent de l’insécurité de l’emploi, ils ne peuvent négocier leurs conditions de travail, ils ne sont pas assurés contre les accidents et ils ne jouissent d’aucune pension-vieillesse. La Conférence a insisté pour que chacun de ses membres prépare, à son propre niveau, un programme d’action pour ses propres employés. Et il est demandé à la commission compétente de faire pression sur le législateur pour que des lois adéquates soient votées. Que des prêtres, des religieux, des laïcs soient encouragés à s’engager dans l’action en faveur de ces groupes.

Nous nous sommes donné tous ces buts en accord avec l’enseignement de “Redemptoris Missio” et de “Centesimus Annus”.

Nous nous sommes demandés quelle sorte de communauté ecclésiale pouvait répondre le mieux à ces besoins. La paroisse idéale est une communauté de croyants, où tous les secteurs du peuple de Dieu, rassemblés en petits groupes, participent à l’élaboration des projets, aux décisions et à l’exécution des diverses activitiés de l’Eglise. L’autorité nécessaire dans une telle Eglise n’agit pas dans un esprit de domination; elle suit l’exemple du Christ qui est venu, non pour être servi, mais pour servir. En chaque diocèse et chaque région, des projets ont été préparés pour que prenne naissance une telle Eglise de participation.

Nous avons réfléchi, dans un esprit chrétien d’humilité et de service, sur la relation entre les différents rites. Des projets ont été élaborés pour redonner vie au Conseil consultatif national. Ses nouveaux statuts et son nouveau nom: “Conseil catholique de l’Inde”, aideront, nous l’espérons, à le rendre plus efficace. Au moment de quitter Pune et de repartir vers nos diocèses afin d’y mettre en oeuvre les divers projets que cette vision de l’Eglise a fait naître dans nos coeurs, nous nous sentons réconfortés par la présence de représentants des religieux et d’experts laïcs et surtout par la certitude que nous continuons la mission de Jésus.