Eglises d'Asie

MARCHER DANS L’HUMILITE, AGIR DANS LA JUSTICE AIMER AVEC TENDRESSE

Publié le 18/03/2010




Nous sommes venus de lieux différents et nous appartenons à des cultures diverses. C’est pourtant au même appel que nous avons répondu, poussés par le même Esprit de Jésus. Nous sommes venus participer au Colloque asiatique sur la doctrine sociale de l’Eglise, colloque organisé par le Bureau pour le développement de l’homme, selon le mandat donné par la 5ème Assemblée plénière de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (1).

Notre désir était de mieux comprendre dans la lumière de l’Asie “la Bonne Nouvelle de Jésus annoncée aux pauvres” (Lc 4,18). Et nous avons voulu profiter du riche héritage des enseignements de l’Eglise en matière sociale. Notre travail a été guidé, selon l’exemple de Jésus, par le désir de servir nos frères et soeurs d’Asie, dont nous sommes solidaires dans notre marche vers le troisième millénaire.

Nous avons partagé nos expériences identiques de la lutte, mais aussi un espoir commun ancré dans notre engagement pour la justice et la paix. Nous nous sommes efforcés de nous conforter mutuellement, afin de nous mettre joyeusement “au service des peuples de l’Asie dans leur quête de Dieu et leur recherche d’une vie humaine meilleure” (2).

CONVICTIONS

Inspirés par Dieu qui “a entendu le cri de son peuple” (Ex 3,7), et qui a envoyé son Fils consacré par l’Esprit-Saint pour “apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres” (Lc 18),

Nous reconnaissons que:

1. L’Eglise se trouve immergée dans un continent riche de traditions religieuses et culturelles variées et que, petite minorité, elle n’est que l’une des nombreuses forces religieuses et culturelles qui soutiennent l’Asie dans sa lutte pour parvenir à son plein épanouissement. En Asie, l’Eglise est l’objet de suspicions, de discrimination subtile, elle est privée de sa liberté face à un étatisme de plus en plus fort et au fondamentalisme religieux. Nous reconnaissons avec sympathie les souffrances endurées par les Eglises-soeurs en plusieurs pays d’Asie.

2. La pauvreté, comme l’exploitation, sont immenses, dans le continent asiatique, où les leviers du pouvoir et de la richesse se trouvent entre les mains de quelques élites sociales, nationales ou internationales. Le système économique dominant continue d’infliger des souffrances sans nombre aux pauvres faibles et sans-voix.

3. Les minorités tribales et ethniques, les femmes et les enfants, les paysans, les pêcheurs, portent le poids de la pauvreté, sont exploités. C’est ce que montrent le servage agricole, les résultats tragiques du tourisme, les migrations des travailleurs qui souvent connaissent des conditions inhumaines.

4. Des valeurs culturelles négatives jointes aux forces négatives de la modernité, ont empêché un authentique développement humain. Les dimensions positives des cultures et leurs ressources ont été ignorées par les modèles de développement dominants.

5. La dégradation, en Asie, de l’écologie, au niveau de l’homme aussi bien que de la nature, continue sans répit au nom du développement et mène notre continent à une destruction lente mais imminente.

6. Des germes de développement authentique sont répandus un peu partout en Asie. Nous les discernons dans l’accroissement de la conscience sociale des communautés pauvres, dans le succès des organisations non gouvernementales et des associations populaires, et dans le fait que les groupes religieux et autres réalisent enfin la nécessité de collaborer dans le combat pour la justice et la paix.

Nous croyons que:

1. Le service que l’Eglise doit rendre en matière sociale consiste finalement à témoigner, par des paroles et des actes inspirés par l’Esprit-Saint, de l’amour du Père et de la vie qui nous sont donnés en abondance en Jésus (Jn 10,10). C’est le Christ, qui est la source, le centre et le couronnement de notre ministère social. C’est son amour (Agape) pour l’humanité et pour les pauvres qui nous inspire et nous pousse à remplir et à dépasser les exigeances de la justice.

2. La pauvreté déshumanisante et la souffrance telles que nous les trouvons en Asie nous obligent à insister, dans notre enseignement et dans notre vie de disciples du Seigneur, sur son amour préférentiel pour les pauvres. Si elle persévère dans cet Amour, l’Eglise, en Asie, deviendra vraiment l’Eglise des pauvres.

3. Par nos efforts, nous pouvons encourager la vie sous toutes ses formes, en l’homme et dans la nature, et défendre la dignité de chaque être humain.

Nous éprouvons le besoin

1. De continuer à mettre en question le modèle de développement répandu dans le monde, tel qu’il a été imposé à nos société asiatiques, avec toutes les influences destructrices qu’il exerce sur nos valeurs, nos traditions, nos manières de vivre.

2. De redécouvrir l’unité des être humains avec l’ensemble de la réalité créée, de reconnaître la présence de Dieu dans cette réalité créée et la responsabilité de l’homme qui doit respecter, vénérer, prendre soin de la terre.

3. De garder vivant notre héritage culturel, afin d’y découvrir les valeurs vraiment humaines sur lesquelles d’autres formes de développement authentique pourront être fondées.

4. De choisir les valeurs évangéliques en dernier ressort lorsque nous devons apprécier les modèles de développement.

Nous trouvons un encouragement

1. Dans l’action de l’Esprit-Saint manifestée à travers les actes d’individus, de groupes, de mouvements, qui travaillent à un développement authentique, oeuvrent en faveur de la justice et s’efforcent de préserver la paix, et l’intégrité de la création.

2. Dans la plus grande prise de conscience sociale de la jeunesse, une jeunesse qui ne désire pas seulement de la nourriture pour elle-même, mais aspire à participer à la construction d’un meilleur monde en Asie.

ENGAGEMENTS

Nous avons entendu la voix du Seigneur crucifié, qui résonnait dans le plaintes de nos frères et soeurs persécutés en Asie. Dans la joie et l’espérance de la Résurrection,

Nous promettons:

1. D’être des Eglises en marche, tournées vers l’aurore du Royaume de Dieu où nous trouverons abondance de vie, d’amour, de justice et de paix.

2. De proclamer un salut authentique et complet de la personne dans son entièreté et de toute personne, et d’oeuvrer dans ce but.

3. De mettre en pratique l’enseignement social de l’Eglise, dans nos relations personnelles et dans nos institutions.

4. De faire passer cet enseignement social de l’Eglise dans notre catéchèse et notre travail pastoral.

5. De faire, en toute humilité, que cet enseignement soit notre contribution évangélique spécifique aux travaux des autres groupes religieux, culturels, idéologiques, pour la construction d’une communauté plus humaine, tout en continuant de rechercher et de recueillir avec gratitude ce que Dieu a semé chez eux.

6. D’aider à la formation des laïcs, afin qu’ils deviennent capables de jouer leur rôle dans la promotion de la paix et de la justice, par leurs initiatives originales, particulièrement dans les domaines de l’éducation, de la politique, des affaires, des communications et de la culture.

7. De devenir une nouvelle manière d’être Eglise, par exemple grâce aux communautés humaines et ecclésiales de base, immergées dans la vie des pauvres et luttant avec eux en accord avec les valeurs de l’Evangile, donnant ainsi aux “Anawim” de l’Asie la possibilité de devenir d’actifs leaders-serviteurs du Royaume.

APPELS

1. Nous exprimons notre reconnaissance pour les documents sur la doctrine sociale de l’Eglise, en particulier pour l’encyclique “Centesimus Annus”. Nous demandons cependant que, dans la préparation de tels documents, les réalités asiatiques soient prises en considération. Ainsi la doctrine sociale de l’Eglise pourra-t-elle être reconnue et acceptée par les chrétiens et les non-chrétiens de l’Asie.

2. Nous lançons un appel aux Eglises-soeurs des pays développés, et leur demandons de faire pression sur leurs gouvernements et autres autorités, afin que ces pays cessent de pratiquer des politiques économiques qui violent la dignité et les droits des pauvres de l’Asie et les maintiennent dans leurs conditions misérables. Nous demandons d’une manière spéciale aux Conférences épiscopales de ces pays, de faire jouer leur autorité morale en ces domaines. Et nous demandons aux évêques de nos propres pays d’agir ainsi auprès des pouvoirs qui s’exercent chez nous.

3. Il apparaît de plus en plus clairement que l’éducation est un levier puissant pour amener les changements sociaux. L’Eglise en Asie jouit d’énormes possibilités, en raison du grand nombre d’écoles et de collèges qu’elle dirige. Nous demandons aux éducateurs de faire en sorte que la conscience sociale et les valeurs authentiquement humaines soient inculquées aux élèves. Ceux-ci devraient être formés à la solidarité, à la coopération, au souci de la nature, au respect de la dignité humaine, à la générosité et au dévouement. Maintenir l’exellence ne devrait pas signifier se préoccuper uniquement de l’élite, mais élever le niveau des classes défavorisées. Les mêmes valeurs devraient être inculquées à la jeunesse, à l’école comme en dehors. On devrait encourager spécialement l’éducation technique et le respect du travail. Il est urgent de développer l’éducation des adultes, l’éducation non-formelle et la conscientisation des populations, afin de les guider vers un processus d’humanisation et par là de consolider leur dignité et leurs droits.

4. Nous demandons avec insistance aux formateurs des prêtres, des séminaristes et des religieux, ainsi qu’à tous ceux qui contribuent à la formation des laïcs, d’attribuer, dans leur enseignement et leurs programmes, une place importante à la doctrine sociale de l’Eglise. Il ne s’agit pas tellement d’enseigner des principes théoriques. Il faut surtout apprendre à découvrir l’actualité de l’Evangile au milieu de ces problèmes de vie concrets.

5. Nous demandons aux communautés chrétiennes de considérer comme un devoir de travailler à l’amélioration des conditions de travail des paysans, des pêcheurs, des travailleurs immigrés et de les défendre contre toute forme d’exploitation. Les institutions d’Eglise devraient être les premières à donner l’exemple d’un juste traitement de leurs employés.

6. Nous demandons à tous les gouvernements de respecter les droits de l’homme et de promouvoir la dignité de tout être ou groupe humain. Nous leur demandons de répondre aux aspirations de leurs peuples pour l’égalité et une participation normale à la vie publique.

CONCLUSION

Nous concluons en priant avec confiance l’Esprit-Saint, qui nous a guidés tous ces jours, de continuer à donner le discernement à notre intelligence, l’amour à notre coeur et le courage à notre action.

Dans notre proclamation de la Bonne Nouvelle, ce qui importe le plus aux peuples que nous servons et avec lesquels nous avançons vers le Royaume auquel nous aspirons tous du fond de notre coeur, c’est le témoignage de nos actes. Que le Règne de Dieu vienne! Puissions-nous manifester sa présence au milieu de nos peuples!

Que Marie, la première disciple du Seigneur, elle qui a chanté les grandes actions de Dieu élevant les humbles (Lc 1,48-53), nous accompagne au long de notre pèlerinage au sevice des peuples de l’Asie.