Eglises d'Asie

Nouvelle constitution: remaniement de l’article relatif à la religion

Publié le 18/03/2010




Le 15 avril 1992, l’Assemblée nationale a définitivement adopté une nouvelle constitution destinée à remplacer celle de 1980 (16). Son projet avait déjà été discuté à la précédente session de l’Assemblée, au mois d’août 1991 (17). Puis, à partir du 30 décembre 1991, ce texte provisoire avait été diffusé et proposé à la discussion de toute la population. Dans les milieux catholiques, les commentaires et les critiques avaient surtout porté sur l’article 67 comportant une déclaration de liberté de croyances (18). Cette première version de l’article n’avait pas reçu, loin de là, une approbation unanime. Les commentaires de l’organe du « Comité d’union du catholicisme » à Hô Chi Minh-Ville avaient été particulièrement négatifs.

Dans le texte définitif amendé et adopté par l’Assemblée, l’article relatif à la religion porte désormais le numéro 70 et, par rapport au premier projet, il comporte un certain nombre d’additions et de suppressions significatives. En voici la traduction:

« Le citoyen jouit de la liberté de croyances et de religion, de la liberté de suivre ou de ne pas suivre une religion. Toutes les religions sont égales devant la Loi.

Les lieux de culte des croyances et des religions sont protégés par la loi.

Personne ne peut porter atteinte à la liberté de croyances et de religion ou utiliser les croyances et la religion pour aller à l’encontre de la Loi et de la politique de l’Etat » (19).

Le changement le plus remarquable concerne l’expression « croyances » qui est partout suivie du mot « religion ». Une déclaration de Mgr Nguyên Van Hoa, évêque de Nhatrang, parue dans la presse (20), avait fait remarquer que la liberté de croyances n’avait pas besoin d’être proclamée puisque la croyance est un droit inaliénable de l’individu sur lequel l’Etat n’a pas de prise: elle n’avait donc pas besoin de la protection de la loi. La seule liberté effective regardant l’Etat était la liberté de religion, c’est à dire le pouvoir réel de pratiquer ou de ne pas pratiquer une religion. Il semble bien que les législateurs aient entendu et compris ce point de vue, puisque le nouvel article, non sans quelque lourdeur, donne clairement à entendre que, pour eux, « croyance » est synonyme de « religion ».

Certains commentateurs s’étaient aussi inquiétés de voir que les lieux de culte nécessitaient une « protection spéciale de l’Etat », lui-même, alors que la propriété du citoyen ordinaire n’avait besoin que de celle de la loi. Ce n’est plus l’Etat mais la loi seule qui assure la protection des édifices et lieux de culte. Le texte définitif a aussi abandonné la liste, d’ailleurs incomplète, des lieux de cultes contenue dans le texte du projet.

Enfin, comme tous les autres textes législatifs en ce domaine, l’article 70 de la nouvelle constitution met en garde contre l’utilisation de la religion à des fins d’opposition. Il est vrai que, dans un souci d’équilibre, il a auparavant condamné toute atteinte à la liberté de croyances.

Cependant, au delà de ces changements qui sont surtout des aménagements et des compromis, il est vraisemblable que l’attitude du régime en matière religieuse ne change pas fondamentalement. La contradiction interne propre aux anciens textes législatifs, souvent soulignée (21), subsiste dans la nouvelle constitution. Elle était illustrée dans la constitution de 1980 par la coexistence de deux articles que seuls les artifices de la dialectique parvenaient à réconcilier: l’article 68 proclamant la liberté de croyance et l’article 38 affirmant que « le marxisme léninisme régit le développement de la société vietnamienne ». Dans le texte définitif de la constitution de 1992, seule la forme de cette dernière affirmation a varié; elle est devenue: « … le marxisme-léninisme et la pensée de Hô Chi Minh qui sont les forces dirigeantes de l’Etat et de la société » (art. 4).

On peut aussi noter, puisque cela concerne déjà actuellement l’Eglise vietnamienne et risque de la concerner encore davantage dans l’avenir, que la constitution institutionalise les récentes initiatives en matière d’éducation, à savoir l’ouverture d’écoles libres « fondées par le peuple ». Elle prévoit même « le développement de formes diverses d’éducation » (art 35).