Eglises d'Asie

Vive tension à Huê à l’occasion des funérailles d’un religieux bouddhiste.

Publié le 18/03/2010




L’organisation des funérailles du vénérable Thich Dôn Hâu, bonze principal de la très célèbre pagode de Thiên Mu (ou Linh Mu) à Huê, a été l’occasion d’un très vif affrontement entre un certain nombre de religieux bouddhistes et les autorités centrales et régionales. A la fin du mois d’avril, la tension entre les milieux bouddhistes et les autorités était telle que le vénérable Thich Tri Tuu et quelques autres religieux avec lui, avaient menacé de s’immoler par le feu si le gouvernement ne renonçait pas à son projet d’organiser des funérailles nationales pour le religieux défunt et de faire prononcer son éloge funèbre par une personnalité officielle.

Voulant honorer le passé du vénérable Thich Dôn Hâu, son opposition au colonialisme français d’abord et à l’impérialisme américain ensuite, tout en faisant oublier son opposition ultérieure au régime, le gouvernement avait en effet prévu de patronner l’enterrement et d’y envoyer une délégation présidée par l’ancien chef du gouvernement révolutionnaire provisoire, M. Nguyen Huu Tho, actuellement vice-président du Conseil d’Etat.

Lorsqu’elle fut connue, cette nouvelle a jeté la consternation dans le Comité qui s’était constitué après la mort du vénérable Thich Dôn Hâu, survenue le 23 avril. Ce comité, formé des disciples du moine défunt, avait organisé pour le 3 mai, conformément à ses dernières volontés écrites, des funérailles uniquement religieuses excluant toute participation de personnalités officielles. Le gouvernement exigeait, lui, d’organiser des cérémonies publiques avec un discours officiel pour le 6 mai.

La détermination des religieux bouddhistes était telle que des pourparlers entre le gouvernement et les religieux bouddhistes s’avérèrent indispensables. Un compromis y fut élaboré: les cérémonies seraient uniquement religieuses et se dérouleraient le 3 mai, comme prévu par le comité. Cependant la délégation gouvernementale n’y ferait qu’une courte apparition au cours de laquelle serait prononcée une très brève allocution. C’est finalement ainsi que les choses se sont passées: selon M. Nguyen Kim Dinh, responsable provincial des Affaires religieuses, « elles se sont très bien passées », bien qu’aucun étranger n’ait pu y participer.

La vie du religieux boudhiste dont la mort a donné lieu à ces incidents est symbolique de l’itinéraire suivi par l’Eglise Bouddhique ces dernières années. Né le 16 février 1905, le vénérable Thich Dôn Hâu, entré très jeune à la pagode, a été, de 1945 à sa mort, responsable de la pagode Thien Mu à Huê au Centre-Vietnam. Après la deuxième guerre mondiale, il a participé à la résistance antifrançaise. Plus tard, en 1963, il prenait part à la lutte des boudhistes contre le régime du président Ngô Dinh Diêm. En 1968, lors de l’attaque générale des forces communistes qui eut lieu au nouvel an, il fut enlevé par elles et emmené au Nord-Vietnam.

En 1975, après la victoire des armées communistes, il revenait à Huê où pendant un temps, il fut député à l’Assemblée nationale et membre éminent du Front patriotique. En 1977, au 7ème congrès de l’Eglise bouddhique vietnamienne unifiée qui se tenait à la pagode An Quang à Saigon, il fut élu secrétaire général du sénat de cette Eglise. En 1978, après le début de la répression de l’Eglise Bouddhique unifiée du Vietnam par le gouvernement, il démissionna de toutes ses fonctions et dénonça publiquement les arrestations de nombreux dirigeants bouddhistes comme les vénérables Thich Thiên Minh, Thich Huyên Quang et Thich Quang Dô.