Eglises d'Asie

Kerala: difficultés au sein de l’Eglise catholique de rite syro-malabar

Publié le 18/03/2010




Le Pape Jean-Paul II a nommé une commission, présidée par le pro-nonce en Nouvelle-Zélande, Mgr Thomas A. White, et chargée d’enquêter sur la querelle qui oppose deux “partis” à l’intérieur de l’Eglise catholique de rite syro-malabar, au Kerala. C’est une affaire vieille de plusieurs années, où se mêlent des questions juridiques, des problèmes d’adaptation liturgique et, parfois, des rivalités de personnes.

Les 12 diocèses syro-malabar du Kerala sont regroupés en deux provinces ecclésiastiques dirigées par deux archevêques métropolitains: le cardinal Anthony Padiyara, dont le siège se trouve à Ernakulam et Mgr Joseph Powathil, qui réside à Changanacherry.

Ces deux provinces sont régies par la loi canonique pour les Eglises orientales, dont le nouveau texte a été promulgué en 1991. Mais elle n’est pas entièrement appliquée à l’Eglise de rite syro-malabar. D’après Mgr Powathil, l’un des deux métropolitains devrait avoir préséance sur l’autre, ce qui n’est pas le cas. La question, finalement, est de savoir laquelle des deux métropoles est la plus importante. Chacune des deux factions prétend être soit plus ancienne, soit plus nombreuse, ou se rattacher plus directement à la communauté primitive dont la tradition veut qu’elle ait été fondée par saint Thomas lui-même en l’an 52 de l’ère chrétienne.

Des questions liturgiques viennent empoisonner l’atmosphère. Le groupe qui se rattache à Changanacherry est très sensible à l’histoire et se rappelle du temps, au XVIème siècle, où les Portugais avaient “latinisé” la région. Ils désirent retrouver leur “identité chaldéenne perdue”, en particulier en ce qui concerne le rite de la messe. Mais leurs opposants répondent que l’Eglise existe au Kerala depuis le premier siècle, alors que les Chaldéens n’y sont arrivés qu’au IVème siècle. L’Eglise du Kerala n’aurait donc en rien perdu une soi-disant identité chaldéenne, car elle avait, depuis les origines, la sienne propre. Lors de sa visite en Inde en 1986, le Pape Jean-Paul II a inauguré une liturgie eucharistique au cours de laquelle des rites anciens ont été utilisés. Des habitudes ont été gardées, comme, par exemple, celle de célébrer le dos tourné à l’assemblée et selon un rite beaucoup plus long que celui utilisé à Ernakulam, où l’on pense que certaines coutumes ne sont pas conformes aux besoins des chrétiens de notre époque.

Par ailleurs, un synode devrait servir de lien entre les divers diocèses et avec Rome: or ce synode n’existe pas. Pour certains, la participation des laïcs dans les affaires de l’Eglise n’est pas ce qu’elle devrait être selon la tradition des Eglises orientales; mais d’autres se trouvent très à l’aise dans la manière de faire actuelle, plus proche de la coutume latine. Le groupe d’Ernakulam accuse celui de Changanacherry de vénérer une croix “hérétique”, dite “croix de Saint Thomas”, dont une tradition veut que le dessin en ait été légué à l’Eglise du Kerala par l’apôtre lui-même: cette croix serait “plantée” sur une fleur de lotus et surmontée d’une colombe représentant l’Esprit Saint. Le groupe d’Ernakulam prétend qu’elle est d’origine manichéenne et que l’Eglise du Kerala l’avait très rapidement rejetée, précisément comme hérétique.

En fait, au-delà des questions de rite et de discipline ecclésiastique, il semble bien qu’on ait affaire à une rivalité entre deux diocèses, ou même deux provinces, d’importance à peu près égale et jouissant l’un et l’autre d’une influence certaine dans la région.

Un groupe de laïcs influents, avec à leur tête le professeur K.M. Chandy, ancien gouverneur de l’Etat du Madhya Pradesh, a adressé une pétition à Rome pour expliquer l’importance qu’a prise le problème et demander au Saint-Père d’envoyer une commission d’enquête.

Interrogés par “Eglises d’Asie”, les deux archevêques s’accordent pour déplorer le scandale causé par cette querelle chez les chrétiens du Kerala. Ceux-ci ont, selon le cardinal Padiyara, accueilli avec beaucoup de joie la commission envoyée par le Pape.

Entre temps, Mgr White et ses deux compagnons parcourent les diocèses concernés, rencontrent évêques, prêtres, religieux et laïcs, avant de remonter vers New Delhi, puis de rentrer à Rome faire leur rapport. En ce qui concerne la querelle de préséance entre les deux métropoles, les archevêques ont demandé à Rome de trancher. Ils s’en remettent à la décision du Pape.