Eglises d'Asie

La religion, dernier recours des maquisards du Fulro

Publié le 18/03/2010




Dans les bases secrètes du “Front uni pour la libération des races opprimées” (Fulro), au coeur de la jungle cambodgienne où un envoyé spécial du “Far Eastern Economic Review”, de Hongkong, (15) vient de faire un séjour, ce sont les réunions de prières qui constituent la part la plus importante de la vie quotidienne des montagnards résistants. Voilà plus de 17 ans, en effet, que depuis les Hauts-Plateaux du Centre-Vietnam… 

… où ils habitaient, ils ont pris le maquis et, selon le journaliste, la motivation religieuse reste encore la principale raison de leur persévérance dans la résistance au régime de Hanoi.

“Les communistes ne nous laissent pas prier; ils disent que le christianisme est une religion française ou américaine: c’est pour cela que nous sommes venus vivre dans la jungle” (16) a confié au journaliste l’un des officiers du camp. Il lui a aussi parlé des leaders religieux morts ou emprisonnés, de la persécution exercée sur ses compatriotes croyants.

Dans l’église catholique et dans les 5 églises évangéliques que l’on peut trouver à l’intérieur de la zone où sont basées les dernières troupes du Fulro, les montagnards et leurs familles se rassemblent quotidiennement pour la messe et les assemblées de prière. Chaque samedi, on écoute avec attention les prédications diffusées par une station de radio de Manille. Elles sont assurées dans les diverses langues montagnardes par des pasteurs qui, bien souvent, sont connus personnellement de leurs auditeurs pour avoir travaillé auprès d’eux au Vietnam avant le changement de régime.

Un pasteur rencontré dans un camp a cité la phrase du Christ dans l’évangile, “Venez à moi, vous tous qui peinez sous le fardeau”, pour expliquer la ferveur religieuse manifestée par ces montagnards guerilleros qui, dans un complet isolement, ont, depuis le mois d’avril 1975, vécu 17 ans d’épreuves surhumaines.

A cette date, le Fulro, fondé en 1964 pour lutter contre l’expansionnisme vietnamien sur les Hauts-Plateaux, s’est engagé à fond dans la résistance au régime communiste. On estimait alors à 10 000 le nombre de montagnards qui avaient rallié cette résistance armée. Mais, dès 1979, les troupes du Fulro, dépourvues de munitions, abandonnées par leurs anciens alliés américains et français, oubliées du reste du monde, avaient perdu plus de 8 000 combattants tués ou capturés par les forces vietnamiennes. Le mouvement ainsi décimé décida alors de se replier au Cambodge, sur la frontière du Vietnam, d’où il lança, de temps en temps, des raids sur les Hauts-Plateaux. Il bénéficiait à ce moment-là du soutien militaire des Khmers Rouges qui avaient pourtant assassiné le président du mouvement, Enuol, en 1975. Le meurtre resta ignoré par les combattants du Fulro jusqu’à ces derniers jours.

Les accords de Paris de 1991 allaient mettre les derniers combattants du Fulro (17) dans un grand embarras. En application des accords, l’Autorité provisoire des Nations Unies (UNTAC) devrait les considérer comme des forces étrangères, les désarmer et organiser leur retrait vers le Vietnam, ce qui équivaudrait à une condamnation à mort. Il semble que des négociations soient en cours pour que le Haut-commissariat aux Réfugiés les prenne en charge et organise leur départ vers un pays d’asile définitif.