Eglises d'Asie

Lettre du 20 mai 1992, adressée par le Cardinal Angelo Sodano, Secrétaire d’Etat, à son Excellence Monseigneur Paul-Marie Nguyên Minh Nhât, Evêque de Xuân Lôc et Président de la Conférence épiscopale du Vietnam

Publié le 18/03/2010




Monseigneur,

Les voeux chaleureux de paix que le Saint-Père a adressés au “cher Vietnam” dans son récent message pascal “Urbi et orbi” ont témoigné une fois encore de l’amour et de l’intérêt qu’il porte à votre pays, à sa situation religieuse et sociale.

C’est dans l’esprit de cette sollicitude pastorale que je communique ce qui suit à Votre Excellence, en sa qualité de Président de la Conférence épiscopale du Vietnam:

1) De plusieurs sources, le Saint-Siège a été informé de l’extension à divers diocèses vietnamiens de l’organisation d’une branche diocésaine du “Comité d’union des catholiques patriotes vietnamiens”, bien connu.

Bien que ce Comité – comme l’indique son nom même – tendrait à promouvoir le patriotisme chez les catholiques, il se présente en fait comme une organisation de caractère à la fois civique et politique. Il ne peut donc pas ne pas entraîner un certain risque de confusion entre l’Eglise et la communauté politique, risque contre lequel le deuxième Concile du Vatican avait déjà mis en garde les évêques et les prêtres.

D’une part, il est vrai, en effet, que la communauté politique et l’Eglise, étant l’une et l’autre “au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes”, “exerceront d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu’elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération, en tenant compte des circonstances de temps et de lieu” (Gaudium et spes, n° 76).

D’autre part, cependant, l’Eglise, “en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique” (ibid.).

Or c’est précisément à la lumière de cette “vue juste des rapports entre la communauté politique et l’Eglise” (ibid.) que le code de Droit canonique demande aux clercs de s’abstenir “de fonder des associations dont le but ou l’action sont incompatibles avec les obligations propres à l’état clérical, ou peuvent entraver l’accomplissement diligent de la charge qui leur a été confiée par l’autorité ecclésiastiques compétente” (can. 278, ; 3)

C’est aussi en raison de la nécessité de garder une claire distinction entre les organisations ecclésiastiques et civiles, et de protéger l’identité sacerdotale, que le Code de droit canonique interdit également “aux clercs de remplir les charges publiques qui comportent une participation à l’exercice du pouvoir civil” (can. 285, ; 3).

Par conséquent, garde toute sa valeur la “Déclaration de la sacrée Congrégation pour le Clergé sur certaines associations ou mouvements interdits aux clercs” publiée le 8 mars 1972 et dont je crois utile de vous faire parvenir le texte latin et une traduction française, avec également la traduction française d’un commentaire qui fut alors publié par l'”Osservatore Romano” (Annexes 1 et 2).

Comme vous le savez, il s’agit des normes en vigueur dans l’Eglise universelle qui doivent donc être appliquées au Vietnam.

Certains, pour justifier l’activité du comité en question, ont tenu à souligner l’apport positif des prêtres qui en font partie en vue de la solution des problèmes en suspens avec les autorités gouvernementales locales.

La Secrétairerie d’Etat estime toutefois que les motifs exposés ci-dessus gardent toute leur valeur, entre autres parce que les autorités peuvent trouver en la personne de l’évêque diocésain, leur interlocuteur naturel. Etant donné, par ailleurs, le commencement de dialogue entre le Saint-Siège et le gouvernement de Hanoi pour l’étude de la solution des différents problèmes pastoraux en suspens, l’existence et l’action du Comité ne semblent pas nécessaires.

En vous priant de bien vouloir porter ce qui précède à la connaissance de tous les Ordinaires du lieu de votre pays, je vous précise que la Secrétairerie d’Etat se chargera d’en informer le gouvernement de Hanoi.

2) Comme vous le savez, le gouvernement vietnamien a annoncé à la délégation du Saint-Siège, en visite officielle dans votre pays au mois de janvier dernier, qu’il était disposé à prendre favorablement en considération la possibilité pour quelques prêtres vietnamiens résidant à l’étranger de venir donner des cours de mise à jour théologique et spirituelle dans les séminaires du Vietnam.

A cette fin, je vous remets ci-joint une liste de quatre prêtres qui résident à Rome et qui seraient très heureux de mettre un peu de leur temps au service des séminaires vietnamiens (Annexe 3).

Vous pourrez vous mettre en contact avec les autorités gouvernementales compétentes afin d’obtenir les autorisations nécessaires pour ces prêtres (ils devraient être porteurs du nombre approprié de livres et de cours polycopiés, dont ils pourront tenir la liste détaillée, le cas échéant).

Pour sa part, la Secrétairerie d’Etat recommandera cette initiative à la bienveillante considération du gouvernement de Hanoi, attirant également son attention sur le projet de quatorze bourses d’études pour des séminaristes et des prêtres qui devraient venir à Rome pour la prochaine année académique (cf.la lettre que vous a adressée le Cardinal Jozef Tomko le 25 mars 1992, sous la référence 1504/92).

Je vous remercie vivement de votre aimable collaboration et je saisis cette occasion pour vous souhaiter, Monseigneur, ainsi qu’à tous vos confrères de la Conférence épiscopale, la grâce, la joie et la paix du Seigneur ressuscité.

Veuillez croire, Monseigneur, à mes sentiments tout dévoués dans le Christ Jésus.