Eglises d'Asie

Timor occidental : comment christianiser les vieux rites païens de bénédiction d’une maison ?

Publié le 18/03/2010




Le risque de syncrétisme est un vieux débat chez les Timorais catholiques du diocèse d’Atambua, spécialement chez ceux qui vivent dans les zones rurales où les coutumes restent vivaces. C’est ainsi que les rites traditionnels d’inauguration d’une maison, toujours en honneur dans les districts à majorité catholique comme Belu et Timor Tengah Utara, retiennent l’attention des autorités ecclésiastiques et les font s’interroger. Ce sont des rites païens hérités des ancêtres timorais. Faut-il pour autant les bannir purement et simplement ?

Pour l’inauguration d’une nouvelle maison, tous les membres de la tribu ou du clan assistent à une cérémonie présidée par leur chef. Celui-ci asperge les quatre piliers principaux de la maison avec du sang de porc tout en récitant des prières. L’assistance l’accompagne en répondant à ses invocations. La cérémonie est suivie de réjouissances traditionnelles.

Mgr Antonius Pain Ratu, évêque d’Atambua, a résolu le problème en “baptisant” ces “rites païens”. Dans le cadre du centre diocésain de pastorale, il avait chargé une équipe spéciale d’étudier les rites traditionnels locaux et de rechercher avec les chefs de communauté une adaptation de ces rites dans la liturgie catholique. Au mois d’août 1992, l’évêque et son équipe pastorale ont tenu une réunion dans le village de Maubesi, avec près de 180 chrétiens, anciens de la tribu Insana, invités à réfléchir sur leurs rites traditionnels à la lumière de leur foi catholique. La discussion a fait conclure qu’on pouvait maintenir les maisons communes et les rites traditionnels, qui sont des facteurs d’unité de la communauté, à condition de remplacer les offrandes aux esprits par des rites chrétiens.

Plusieurs participants l’ont en effet souligné : les rites traditionnels, spécialement la cérémonie de bénédiction d’une nouvelle maison, comportent des éléments non fondamentaux qui peuvent être adaptés aux formes catholiques. En outre, les anciens de la tribu Insana ont admis que la maison commune doit servir à la fois de foyer communautaire et de chapelle pour la messe ou pour la prière quand tous les membres de la tribu se réunissent. Ils ont décidé de placer dans la maison commune un grand crucifix et une statue de la Vierge pour qu’elle ressemble davantage à une chapelle.

Environ 32 000 membres de la tribu Insana vivent dans les trois paroisses catholiques du district de Timor Tengah Utara.

“Voilà longtemps que nous attendions un dialogue ouvert comme celui-là” a dit à l’issue de la réunion Benjamin Juki, 59 ans, membre du conseil paroissial et chef de tribu du village de Kiupukan. “Dans la tradition de nos ancêtres, il y a des choses auxquelles nous tenons et qui, nous le sentions bien, ne vont pas avec notre foi catholique. Mais c’est difficile pour nous de rejeter la tradition. Je suis heureux que le dialogue ait abouti à une bonne solution aussi bien pour la foi catholique que pour notre tradition”.

Mgr Pain Ratu et son équipe pastorale ont également rendu visite à la paroisse Saint-Gérard du village de Nualain, à 40 kilomètres à l’est d’Atambua, où ils ont eu la même discussion franche avec les chefs locaux et le Père Vincent Wun, curé. Les rites traditionnels de la communauté à l’entrée dans une nouvelle maison ont été adaptés au rituel catholique.

Un paroissien a déclaré : “Maintenant, les gens croient que la maison commune de la tribu est l’église paroissiale et que leur propre maison, bénite selon les nouveaux rites, est une petite chapelle !”