Eglises d'Asie

Une réunion de la Conférence épiscopale faussement discrète

Publié le 18/03/2010




On avait déjà conclu que la réunion de la Conférence épiscopale qui s’est déroulée sans éclat particulier du 12 au 19 octobre 1992, était sans importance. Rien de marquant n’avait été noté: la majorité des membres de l’ancien bureau permanent de la Conférence avait été réélue. Seuls étaient à signaler quelques changements minimes, comme la nomination de Mgr Nhân, nouvel auxiliaire de Dalat, à la commission du laïcat. Or, il s’avère aujourd’hui que ce n’était là que la surface des choses. Contrairement à ce que l’on a pu penser, le travail accompli lors de cette réunion a été remarquable. Deux documents de très grande importance ont été produits, qui n’ont été connus que quelques semaines plus tard.

Il s’agit des deux volets d’une même analyse portant sur deux thèmes que les évêques ont voulu associer intimement, l’Eglise et la société vietnamienne. Un des volets se présente sous la forme d’une lettre ouverte au premier ministre (15). L’Eglise, membre de la société civile, rappelle aux autorités les libertés nécessaires à son bon fonctionnement qui lui ont été refusées jusqu’à présent. Elles sont principalement destinées à assurer l’indépendance de l’épiscopat vietnamien et l’exercice sans contrainte du sacerdoce à l’intérieur de l’Eglise vietnamienne. Les évêques réclament en outre que soient rendus à l’Eglise tous les bâtiments qui lui ont été confisqués dans les années qui ont suivi l’établissement du socialisme.

Le second volet est une lettre commune adressée au peuple de Dieu au Vietnam (16). Il semble que les évêques se soient efforcés de banaliser le plus possible le ton de la lettre qui ressemble au premier abord à une exhortation morale de type confucéen. Rien n’y manque en effet, ni les appels à la sagesse pour les enfants, ni les conseils de modération pour les jeunes gens, ni le rappel des valeurs traditionnelles de la famille vietnamienne.

Or, sous l’apparence de ces conseils familiers, les évêques ont, sans en avoir l’air, abordé des thèmes très profonds et très actuels. Par quelques notations subtiles, ils ont campé en arrière-plan de leurs suggestions, la société vietnamienne d’aujourd’hui et la crise dans laquelle elle est entrée. Ils n’hésitent pas sur le diagnostic à porter. Il s’agit d’une crise des notions morales, une crise des modèles humains, une crise de l’éducation.

En cette période de démoralisation de la société vietnamienne, alors que l' »homme nouveau » imposé à la population vietnamienne par la vulgate marxiste-léniniste a totalement perdu de son attirance, l’analyse des évêques vise très juste. Le passage où ils exposent la contribution possible du christianisme à la restauration de la société vietnamienne trouvera sans doute un écho chez beaucoup de Vietnamiens, chrétiens ou non: « En vivant l’amour de Dieu et des hommes, nous apporterons à notre pays la contribution la plus précieuse qui soit : nous lui aurons donné des hommes justes ».