Eglises d'Asie

Après Ayodhya : quel avenir pour la laïcité en Inde ?

Publié le 18/03/2010




« L’histoire de l’Inde comme Etat laïque semble être arrivée à son terme. La mosquée en était devenue le symbole. Mais un symbole ambigu et non dépourvu de contradictions, car le gouvernement n’avait pas été capable de la garder ouverte au culte. De plus, elle était profanée par la présence, à l’intérieur, de symboles hindous que les musulmans considèrent comme des idoles. Ce lieu sacré était devenu un lieu d’impuretéLe journaliste indien qui écrit ces lignes pense néammoins que, même profanée, cette mosquée d’Ayodhya, construite sur le lieu présumé de la naissance de Rama, était, par son existence même, un symbole de l’Inde laïque. Ce symbole a été détruit et l’autorité du gouvernement en a été ébranlée dans ses fondations. On peut craindre que la destruction de la mosquée d’Ayodhya soit imitée en d’autres parties de l’Inde où il existe beaucoup de mosquées bâties sur d’anciens sites hindous.

Dans une intervention télévisée, le soir du 6 décembre 1992, le premier ministre indien, M. Narasimha Rao, a déclaré : « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour maintenir la laïcité et la démocratie en Inde ». Le problème va d’abord se poser sur le plan politique. Le BJP (« Bharatiya Janata Party ») est le principal parti d’opposition au parlement fédéral. Jusqu’au 6 décembre 1992, c’est lui qui gouvernait l’Etat d’Uttar Pradesh, le plus peuplé de l’Inde avec ses 140 millions d’habitants. D’élections en élections, ce parti a tellement progressé qu’on peut s’attendre à le voir un jour prendre la direction des affaires nationales. Si des élections générales avaient lieu dans les mois qui viennent, le BJP pourrait dépasser le parti du Congrès. Après cette destruction qu’ils n’avaient pas prévue et les violences qui ont suivi, les chefs du parti ont présenté des excuses. L’un de ses leaders, M. L.K. Advani, chef de file de l’opposition au parlement, a démissionné afin de se désolidariser de cette violence. En fait, le parti ne revient pas sur sa fameuse notion d' »hindouité ». Il continue à répéter que le caractère laïque de l’Inde est prôné par des « hindous non pratiquants », ce qui revient à exclure de la communauté nationale tous les non-hindous : musulmans (plus de 100 millions), chrétiens (environ 20 millions), bouddhistes, sikhs etc.

Le gouvernement fédéral, formé par le parti du Congrès, est certainement décidé à conserver à l’Inde son caractère laïque, respectant ainsi la tradition héritée des « pères fondateurs ». Mais en a-t-il les moyens ? Le 6 décembre 1992, à Ayodhya, face à 200 000 zélotes hindous rassemblés il n’y avait que 500 policiers pour maintenir l’ordre. D’autres points chauds risquent de surgir. Déjà une dizaine d’Etats sont gravement affectés par les désordres de ces derniers jours. Le couvre-feu a été imposé en de nombreuses villes. Le 11 décembre 1992, on comptait déjà plus d’un millier de morts à travers le pays. Et il ne faut pas oublier que l’Inde est hindoue à 80% : la même proportion se retrouve parmi les forces de maintien de l’ordre. Celles-ci parviendront-elles à empêcher d’autres Ayodhyas ? Beaucoup d’observateurs doutent qu’elles en aient même la volonté.

« Le BJP, écrit le quotidien « Times of India », par son nationalisme exacerbé, bien loin d’unir la communauté hindoue, a semé en elle la méfiance et la divisionM. L.K. Advani et la plupart des leaders du BJP et du RSS ont été arrêtés ces derniers jours sur ordre du gouvernement fédéral. Les mouvements extrémistes hindous et musulmans ont été interdits.