Eglises d'Asie

Ayodhya : “Le fanatisme religieux dans toute sa laideur”

Publié le 18/03/2010




“Nous avons vu le fanatisme religieux dans toute sa laideur”. Tel est le jugement porté par le quotidien “The Hindu” de Madras sur l’action menée à Ayodhya le dimanche 6 décembre 1992 par des dizaines de milliers d’hindous. Débordant tous les cordons de police, ils ont rasé la mosquée, vieille de 450 ans, qu’ils disent avoir été édifiée à la place d’un temple bâti sur le lieu même de la naissance du roi divinisé Rama. Ce temple aurait été détruit par les troupes du souverain moghol Babur. La mosquée était depuis de nombreuses années l’objet d’un très grave conflit entre hindous et musulmans (4).

Venus de toutes les régions de l’Inde (les responsables hindous ont dû lancer un appel à la population hindoue pour arrêter le flot), ils étaient plus de 200 000 réunis dans cette petite ville d’Uttar Pradesh qui, en temps normal, ne compte que 41 000 habitants. Débordée par les manifestants, la police locale s’est retirée, laissant le champ libre aux démolisseurs. Le responsable civil du district de Faizabad dans lequel se trouve Ayodhya aurait, pendant toute la journée du 6 décembre, refusé à la police fédérale l’autorisation d’intervenir. D’aucuns en concluent que les autorités locales approuvaient l’action de la foule.

Le premier ministre BJP (“Bharathiya Janata Party”: Parti du peuple indien”, d’extrême droite) de l’Etat d’Uttar Pradesh avait pourtant promis au gouvernement fédéral qu’il obéirait à l’ordre de la Cour suprême d’empêcher toute action dangereuse pour l’ordre public et susceptible de rallumer la guerre qui a déjà fait plus d’un millier de morts en Inde depuis deux ans.

L’éditorial du quotidien “The Hindu” ajoute: “Le BJP et ses alliés, le RSS (“Rashtrya Swayal Sevak”: organisation para-militaire d’extrême droite), le VHP (“Vishva Hindu Parishad”: Conseil mondial de l’hindouisme, lui aussi d’inspiration fondamentaliste) et le “Bajrang Dal” (autre allié du BJP), portent, aux yeux de tous, la responsabilité de cet horrible dénouement. La nature foncièrement destructrice et fasciste de leur stratégie et de leurs méthodes ne peut plus être mise en doute. Le BJP ne peut plus prétendre jouer le rôle de défenseur de l’intérêt national”.

L’éditorialiste du journal de Madras ajoute: “La démolition de cette mosquée a porté un coup mortel à la réputation de l’Inde laïque et démocratiqueC’est le même constat pessimiste que l’on retrouve ailleurs dans la presse indienne : “Ce qui s’est passé marque une heure grave dans l’histoire de l’Inde. Le pays risque d’être plongé dans un noir abîme d’émotions primaires et de voir remis en cause les succès obtenus en quarante ans d’efforts pour une démocratie progressiste et laïque”.